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La ville de l’Assomption : vue prise du Rio-Paraguay. — Hutte principale des Indiens Payaguàs (Tolderia). — Dessin de Sauvageot.


FRAGMENTS D’UN VOYAGE AU PARAGUAY,


PAR LE DOCTEUR ALFRED DEMERSAY[1].


1844-1847.




Les Indiens Payaguàs.

L’histoire des races américaines pourrait tenir dans quelques pages. Les unes ont accepté la demi-servitude que leur apportaient les conquérants ; les autres, plus rebelles, ont voulu lutter et ont été détruites ; celles qui luttent encore, périront. Les races qui ont préféré la sujétion à la mort, en mêlant dans une forte proportion leur sang au sang européen, n’ont disparu comme races que pour entrer comme partie intégrante, et quelquefois dominante, dans les nationalités américaines : la grande famille des Guaranis offre à l’observation de l’ethnologue l’exemple le plus frappant de cette fusion intime.

Mais au milieu d’elle, à côté des hordes insoumises du Grand-Chaco[2], si remarquables par leurs belles proportions, il existe encore une peuplade peu nombreuse dont les rangs chaque jour s’éclaircissent, et qui près de disparaître, a légué intactes à la génération actuelle, avec une complète indépendance, ses croyances, ses coutumes, et les glorieuses traditions de ses ancêtres.

À l’époque de la découverte, les Payaguàs, tel est le nom de cette nation vaillante, partagés en deux tribus, les Gadigués et les Magachs[3], vivaient sur les rives et les îles nombreuses du Rio-Paraguay, vers les 21 et 25° de latitude. Ces résidences n’avaient rien de fixe. Maîtres du fleuve et jaloux de son empire, ils naviguaient depuis le lac de Xarayes, et faisaient de lointaines excursions sur le Paranà jusqu’à Corrientes et Santa-Fé d’un côté, et jusqu’au Salto chico, de l’autre.

On a proposé comme étymologie assez rationnelle du nom de ces Indiens, les deux mots guaranis paî et aguaá, qui signifient « attaché à la rame, » ce qui est tout à fait en rapport avec leurs habitudes. Ensuite, on a voulu voir dans l’expression Paraguay, appliquée comme dénomination à la rivière, avant de l’être à la province, une corruption de Payaguá, corruption assez légère, et qui nous paraît fort admissible.

Quoi qu’il en soit de cette supposition dont nous ne

  1. Suite. Voyez la 85e livraison du Tour du Monde, 1861, p. 97. Fragments extraits de l’Histoire physique, économique et politique du Paraguay et des Établissements des Jésuites. Deux volumes grand in-8o, divisés en 4 parties ; avec Atlas de dix-huit planches teintées et deux cartes, publiés en cinq livraisons. En vente : les parties I, Il et III du texte et les Quatre premières livraisons de l’Atlas. La IVe et dernière partie paraîtra prochainement avec la Ve livraison de planches. Paris, librairie Hachette et Comp.
  2. Voyez les Aventures de la senora Libarona dans le Grand-Chaco, 73e livraison (1861).
  3. Et par altération Sarigués et Agaces. Les créoles appelèrent aussi ces derniers Tacumbùs (Tacoumbous), du nom du district qu’ils habitaient.