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n’est pas habituelle aux conifères d’Europe, croissent mêlés à des arbres de genre différent. Le célèbre et splendide kauri (damnara australis), les domine tous de sa cime pyramidale.

Des voyageurs ont beaucoup parlé de la solitude des forêts, mais les arbres ne sont-ils pas une véritable société, dont on regrette l’absence quand on voyage dans les immenses plaines nues ? Ce n’est qu’en traversant les prairies que le voyageur est tout à fait seul ; là il sent qu’il se trouve au milieu d’un monde dont il ne fait pas partie et qu’il est vraiment isolé dans un désert sans limites.

Les espèces vivantes de ces forêts sont en petit nombre : les plus remarquables appartiennent à la classe des oiseaux, et parmi ceux-ci, des espèces tout à fait inconnues ailleurs.

Quand, en 1812, la première dépouille d’un kiwi zélandais fut apportée en Angleterre, on ne savait comment classer cet étrange animal. Représentez-vous un oiseau à peine plus grand qu’une poule, sans ailes et sans queue, avec quatre orteils au pied, un long bec de bécasse, et le corps couvert de longues plumes blanches fines comme des cheveux. Des exemplaires du nouvel oiseau arrivèrent successivement en Europe et furent payés de deux à trois cents francs : on supposait que l’espèce en était presque détruite. Récemment néanmoins, on a prouvé que c’est seulement dans le voisinage de la demeure des hommes qu’elle a entièrement disparu, mais qu’elle se trouve encore aujourd’hui en grand nombre dans les forêts des contrées montagneuses inaccessibles, quoiqu’elle s’éteigne rapidement devant les envahissements de l’homme. Les différentes variétés de cet oiseau, le kiwi des Maoris, apterix australis, ou apterix mantelli, des classifications, ont complétement disparu des lieux occupés par l’homme. Dieffenbach raconte que pendant un séjour de dix-huit mois dans la Nouvelle-Zélande, il ne put se procurer qu’un seul de ces oiseaux, malgré les récompenses qu’il promettait partout aux indigènes. À ma connaissance, jusqu’à présent, on n’a réussi à introduire vivant en Europe qu’un seul apteryx ; c’est une femelle qui, depuis 1852, se trouve dans les jardins zoologiques de Londres. On la nourrit de mouton et de vers.

Kiwis et Dinormis ingens ou moa. — D’après un dessin de M. F. Hochstetter.

Ce que l’on sait du genre de vie de l’apteryx mantelli s’applique aussi à tous les autres kiwis. Ce sont des oiseaux nocturnes qui, le jour, se cachent dans des trous, de préférence au milieu des racines des grands arbres des forêts, et ne sortent que la nuit pour chercher leur nourriture, composée d’insectes, de larves, de vers et de différentes semences. Ils vivent par couples, la femelle ne pond qu’un œuf, gui, d’après le dire des indigènes, est alternativement couvé par le père et la mère. Le mâle est plus grand et a le bec plus long. Ces oiseaux peuvent courir avec une extrême rapidité ; une femelle que j’avais eue quelques jours dans ma chambre, sautait facilement sur des objets élevés de deux à trois pieds.

Les chats et les chiens sont, après l’homme, les ennemis les plus dangereux de ces oiseaux. Les indigènes sa-