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le pays, et, par son éloquence, sut réunir les tribus jusque là divisées. Des contributions payées avec empressement par les Maoris assurèrent au roi une dotation annuelle, et aux ministres les ressources nécessaires. Ngaenawahia, position très-avantageuse au confluent du Waikato et du Waipa, fut désignée comme la future capitale des indigènes. De là, le roi, ou plutôt son conseil, aplanissait les difficultés qui s’élevaient entre les Maoris ; c’est là qu’on donna l’ordre d’arborer le pavillon national dans le port voisin de Kawhia, sur la côte occidentale, et que l’on résolut d’établir un droit sur tous les vaisseaux européens qui jetteraient l’ancre en ce lieu ; c’est de là que les enfants de pères européens et de mères maories, surtout les jeunes filles qui étaient au service de familles européennes, reçurent l’ordre de revenir sous le giron de leurs mères. Cependant, le gouvernement voyait ces choses d’un œil indifférent, et il demeurait tellement inactif en face de tout ce qui se passait sous ses yeux dans l’intérieur du pays, que les missionnaires anglais eux-mêmes, quand ils avaient des sujets de plaintes contre les indigènes, aimaient mieux demander justice au roi maori qu’au tribunal d’Auckland.

Un chef influent du Waikato avait formé une association appelée Land league qui poursuivait un but analogue à celui du parti royal, en cherchant à empêcher les indigènes de vendre de nouvelles terres au gouvernement anglais.

Avant le traité de Waitangi, les chefs avaient souvent donné des districts tout entiers pour une ou deux livres de tabac ou pour quelques pièces d’étoffe. Après ce traité, le gouvernement payait en moyenne un shilling par acre aux indigènes ; mais leurs prétentions s’élevèrent d’année en année. On leur disait : « La terre ne vous a pas été donnée par Dieu pour que vous la laissiez en friche, car il est écrit dans la Bible que l’on doit cultiver la terre afin qu’elle rapporte cent pour un. » Les Maoris répondaient : « Oui, mais il n’est écrit nulle part que nous devons vous la vendre un shilling l’acre. »

En août 1859, ce mouvement s’était déjà étendu dans l’île depuis le nord jusqu’au sud ; un grand banquet maori eut lieu près de Wellington, dans la vallée de Wairarapa ; l’irritation survenue entre les indigènes et les colons avait alors atteint un tel degré, que beaucoup de ces derniers s’enfuirent à la ville, et que le Wellington Independant, sonnant l’alarme, demandait à quoi devaient servir les tonneaux de poudre rassemblés par les indigènes, et comment ils pouvaient acheter des cargaisons d’armes à feu.

Une vente de terres, sur la côte sud-ouest de l’île du Nord, dans le district de Taranaki, fournit le premier prétexte des hostilités, bien qu’il ne se fût pas formé encore en cet endroit un parti royal proprement dit. Un indigène de Taranaki, du nom de Te Teira, avait vendu au gouvernement une pièce de terre de six cents acres à Waitara, dans le voisinage de New-Plymouth capitale de la province de Taranaki. Mais Wiremu Kingi, (William-King) chef aussi brave que résolu, s’opposa à ce marché d’après le motif que Te Teira n’avait pas le droit de vendre la terre sans son consentement, et il empêcha l’arpenteur envoyé par le gouvernement de mesurer le terrain vendu. Quand l’arpentage eut eu lieu sous la protection des troupes anglaises, vers le milieu de mars 1860, Kingi aidé par ses partisans, construisit en une nuit sur le sol débattu un pah, c’est-à-dire un camp retranché, formé de fossés et de palissades, et reprit possession de la terre. Le 17 mars, ce pah fut enlevé par les troupes que commandait le colonel Gold ; et le premier coup de feu partit du côté des Européens qui, d’après les idées des naturels, devenaient ainsi responsables de tout le sang qui serait versé par la suite. Les journaux nous ont depuis informé des alternatives de la lutte. Les indigènes ont été vaincus, sans doute, mais au prix de beaucoup de sang.


IX


Retour à Auckland. — Flore et faune de la Nouvelle-Zélande.

En quittant le vieux Potatau, je redescendis le Waikato, à travers des contrées déjà connues.

Le 22 mai, nous essuyâmes un ouragan d’une telle violence qu’il soulevait les vagues du fleuve au point que nous ne pûmes songer à continuer ce jour-là notre route dans un canot pesamment chargé. La tempête se termina dans la nuit par une averse terrible.

Le 23 au matin, le temps s’était si bien éclairci que nous pûmes continuer notre voyage, et, à une heure de l’après-midi, nous débarquâmes dans la crique Teira, un peu au-dessous du confluent du Mangatawhiri. Nous eûmes là à monter, puis à redescendre une colline glissante jusqu’à la maison d’un colon européen. Après une courte pause, nous nous mîmes en route pour Drury. Le ruisseau fortement grossi du Waipapa, près de Mangatawhiri, sur lequel nous dûmes jeter un pont pour le franchir, nous retint si longtemps qu’il faisait déjà sombre quand nous parvînmes à la Great South Road. Nous pensions avoir touché le but ; mais combien nous nous abusions ! Je n’ai jamais vu une soi-disant route dans un tel état, c’était bien plutôt une rivière ou un marais dans lequel nous enfoncions jusqu’aux genoux. Joignez à cela un temps affreux, une pluie violente et des éclairs fulgurants, nos seuls guides dans la nuit sombre. Néanmoins, nous voulûmes encore atteindre le Drury Hotel. Dans quel état nous y parvînmes enfin à dix heures du soir, c’est ce que je n’entreprendrai pas de décrire.

Cependant tout est bien qui finit bien. Nous trouvâmes dans l’excellent hôtel tout ce qu’il fallait pour nous remettre de nos fatigues, et le 24 mai, nous étions heureusement de retour à Auckland, ou je mis en ordre mes notes et les collections que j’avais recueillies dans mon excursion, que pourraient m’envier bien des confrères en histoire naturelle.

La flore de la Nouvelle-Zélande l’emporte de beaucoup en intérêt sur les richesses minéralogiques et sur la faune de ce pays. Les célèbres voyages de Cook nous avaient révélé ces trésors botaniques. En 1824 et 1827,