Page:Le Tour du monde - 11.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

national, la moindre occasion conduirait a des hostilités ouvertes.

Pendant mes voyages dans l’intérieur de l’île du Nord, j’ai eu, on l’a vu, l’occasion de faire la connaissance des chefs du mouvement et du roi lui-même. Je pus dès lors me convaincre facilement que l’agitation qui attirait à elle les indigènes était plus sérieuse et avait des racines plus profondes qu’on ne me l’avait dit à Auckland.

Un vieux chef du haut Waganni me développa un jour ses vues dans un long discours, sous la forme caractéristique qui suit : il prit une fougère, plante qui, à la Nouvelle-Zélande, croît partout en forme de buissons, la brisa en trois parts, l’une longue et les deux autres petites ; la longue tige figurait la Divinité ; il la plaça debout sur la terre ; les deux autres indiquaient le Maori et le Pakeha (Européen).

« Avant que les Pakehas ne vinssent, ajouta-t-il, nous nous regardions comme très-voisins de la Divinité et comme presque aussi élevés que notre Dieu. »

Et il planta la tige maorie tout près de celle de la Divinité.

« Mais quand les Pakehas arrivèrent, nous pensâmes qu’ils étaient plus élevés que nous ; nous croyions que le Pakeha était très-près de la Divinité. »

Et alors il plaça la tige pakeha près de la Divinité, et il éloigna la tige maorie et l’enfonça plus avant dans la terre.

« Mais aujourd’hui nous avons appris que le Maori et le Pakeha proviennent de la même source, qu’ils viennent de Dieu, qu’ils ont tous deux de bonnes et de mauvaises qualités, et qu’ils sont tous deux égaux devant Dieu. »

En même temps il mit les deux petites tiges à côté l’une de l’autre, devant celle qui les dépassait de beaucoup et figurait la Divinité.

« Pakeha et Maori sont égaux entre eux, ils ont tous deux des droits égaux, et il est bien naturel que les Maoris aient aussi, comme les Pakehas un roi de leur langue et de leur sang. C’est pourquoi nous avons choisi un roi parmi les nôtres, un roi des Maoris, afin qu’il représente nos droits. »

Tels étaient les discours du vieillard, et tous les adhérents du parti royal pensaient comme lui.

Chef maori. — D’après M. F. de Hochstetter.

Quant au vieux Potatau, il pressentait que la paix avec les Européens pouvait être troublée, et il exprimait en toute occasion le désir qu’elle fût maintenue. Il ne se laissait pas appeler roi des Maoris, mais il se donnait le titre officiel de Te Kingi ote Marietanga-tuarna, c’est-à-dire deuxième roi de la paix, faisant ainsi allusion à Melchisédech, le roi de la paix de l’Ancien Testament. Et comme on arborait en grande cérémonie, devant l’habitation royale, le nouveau pavillon national composé d’un fond blanc bordé de rouge, avec une croix rouge et trois étoiles au-dessous de l’inscription : Nuitireni, c’est-à-dire Nouvelle-Zélande, on désigna ces trois étoiles comme le symbole des trois principes du nouveau royaume : Wakapono, aroha, ture, c’est-à-dire croyance, amour et loi. Cela signifiait que le royaume n’était pas un retour à l’ancien paganisme, mais que les défenseurs du nouvel étendard, puissants et fortifiés dans la lutte avec l’aide de Dieu, apporteraient la fraternité, l’unité et l’amour à toutes les tribus maories, au lieu de la guerre et des anciennes inimitiés ; que la loi et la paix régneraient non-seulement parmi les indigènes, mais encore entre eux et les Européens.

Ainsi pensait et parlait alors le roi maori : « La royauté, c’est la paix. » Mais Potatau n’avait que le prestige de son nom, c’était en réalité un faible vieillard. Les hommes d’action étaient de jeunes chefs résolus qui s’intitulaient les ministres du roi, et à leur tête, en qualité de premier ministre, se trouvait un homme très-habile et très-énergique de la tribu des Ngatihahuas, William Thompson, ou le faiseur de rois, comme on le surnommait généralement. Âgé de quarante ans, chrétien zélé et fort versé dans la Bible, il est à la tête de l’insurrection actuelle.

L’élection du roi maori avait été déterminée, seulement par le sentiment national et un besoin dépendance qui se faisait jour chez les Zélandais, aussi par un mécontentement croissant contre le gouvernement anglais. Ce mécontentement s’était amèrement manifesté par des plaintes publiques qui, malheureusement, dans beaucoup de cas, n’étaient que trop fondées ; et comme leurs plaintes n’avaient pas été entendues, les Maoris cherchaient les moyens de mettre eux-mêmes un terme à leurs griefs.

Le parti royal gagna rapidement du terrain, et chercha à organiser les forces des indigènes. Wiremu Tako de Taranaki, habile et prudent politique, parcourut