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Malheur à qui le pied manquerait à cet endroit ! La seule pensée m’en faisait frissonner, et cependant ces accidents terribles arrivent souvent à des enfants et à des jeunes gens.

Sur la rive opposée, se trouve le puia de Tuhi-Tarata. L’eau d’un bleu d’azur qui s’écoule d’un bassin forme une cascade entourée de vapeurs sur des gradins de tuf dont les étages descendent jusqu’au fleuve et qui brillent des couleurs les plus variées, du blanc, du rouge et du jaune. Le même spectacle se reproduit sur différents points, accompagné de jets périodiques à intervalles plus ou moins longs.

Mais il est impossible de tout voir, et encore plus de tout décrire. Il y aurait là un champ d’observations pour plus d’une année.

Je me dirigeai ensuite vers le Rorotua, lac volcanique qu’alimentent des sources thermales et qu’une ancienne légende recommande aux respects de tout bon Maori. La plupart des grandes familles du nord de l’île font remonter leur origine à Hine-Moa, la vierge du Rorotua. L’espace me manque pour raconter ici l’histoire de cette beauté sauvage ; mais je puis renvoyer mes lecteurs, curieux de la connaître, à la Polynesian Mythology de sir Georges Grey, gouverneur de la Nouvelle-Zélande[1]. Dans le voisinage de ce lac, un petit bassin, le Rotomahana, qui mesure à peine treize cents mètres en longueur sur cinq cents de large, est célèbre à d’autres titres. C’est un vrai cratère d’explosion, profond à son centre, bordé de marécages au nord et au midi, encadré de rochers à l’est comme à l’ouest. On lui a donné avec raison le nom de lac thermal ; la quantité d’eau bouillante qui coule des sources voisines est si considérable, que le lac tout entier en est échauffé.

Wharepuni ou portail sculpté d’une maison maorie (voy p. 299).

Au nord-ouest se trouve le Te-Ta-Rata, source bouillonnante qui, descendant de terrasse en terrasse jusque dans le lac, est la plus grande merveille de ce merveilleux pays. Sur la pente d’une colline couverte de fougères, à quatre-vingts pieds environ au-dessus du Rotomahana, se trouve le principal bassin, dont les parois d’argile rouge ont de trente à quarante pieds de haut. Il est long de quatre-vingts pieds, large de soixante et rempli jusqu’au bord d’une eau parfaitement claire et limpide qui doit à la blancheur de neige des stalactites de ses bords de paraître d’un admirable bleu de turquoise, irisé parfois de teintes d’opale. Sur le bord du bassin, je constatai une température de quatre-vingt-quatre degrés centigrades ; dans le milieu, d’où l’eau s’élève à une hauteur de plusieurs pieds, elle a la chaleur de l’eau bouillante. D’immenses nuages de vapeur, qui réfléchissent la belle couleur bleue du bassin, tourbillonnent au-dessus, et arrêtent le regard ; mais on peut toujours entendre le bruit sourd du bouillonnement des eaux. L’indigène qui nous servait de guide, nous dit que parfois toute la masse des eaux est lancée soudainement avec une force immense, et qu’alors on peut apercevoir, à trente ou quarante pieds de profondeur, le bassin vide qui, à la vérité, se remplit très-promptement. Si le fait est vrai, la source du Te-Ta-Rata est sans doute un Geyser à longues intermittences, comme celles du grand Geyser d’Islande ; mais ici le bassin étant plus grand, la masse projetée doit être plus considérable.

L’eau a un goût légèrement salé, mais nullement désagréable. Comme dans les sources islandaises, le dépôt est une stalactite siliceuse. En s’écoulant du bassin, cette eau thermale a formé un système de terrasses qui, blanches et comme taillées dans du marbre de Paros, forment un coup d’œil dont aucune description, aucune

  1. Polynesian Mythology, etc. Histoire ancienne de la race néo-zélandaise d’après les traditions conservées par ses prêtres et ses chefs. Londres, 1855.