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ignées, de détritus de lave, de scories et de cendres volcaniques. Elles se sont produites, sans aucun doute, dans un grand nombre de secousses, se suivant rapidement l’une l’autre, car, tout ce que l’on voit clairement, c’est que ces masses éruptives se sont déposées par couches étagées l’une sur l’autre, tout autour du point d’éruption, et qu’elles ont formé de faibles collines, s’élevant avec une surface unie, et ayant toutes un cratère plus ou moins arrondi au milieu. On nomme tuf volcanique la masse hétérogène de ces premières éruptions, et l’on désigne ces collines sous le nom de cônes de tuf, tant qu’elles ne renferment pas de bassins arrondis ; dans ce dernier cas, on les appelle cratères de tuf.

De nombreux spécimens de ces deux formes volcaniques existent sur l’isthme d’Auckland. Tantôt ces cratères sont très-profonds et remplis d’eau, comme le lac d’eau douce de Pupaki, qui à une profondeur de vingt-huit brasses, tantôt ils sont unis et secs, ou couverts seulement de marais et de tourbières. Quand ils en sont fort rapprochés, la mer s’est habituellement frayé un passage sur un des côtés, en brisant la ligne de circonvallation, et elle accomplit dans le cratère son mouvement de flux et de reflux. Dans le cas où plusieurs de ces cônes sont groupés ensemble, comme à Onchunga ou dans les environs d’Otahuhu, il est souvent difficile de distinguer les cratères isolés, car un espace où confluent plusieurs cônes prend facilement la forme d’un seul cratère.

Le rôle que, à raison de leur sol extrêmement fertile, ces cônes de tuf jouent dans le voisinage d’Auckland est très-remarquable. Presque sur chacun d’eux se trouve la maison ou la métairie d’un cultivateur. Le coup d’œil pratique des colons les a engagés à se fixer le long de ces cratères au sol fertile. On y voit des prairies et des champs de trèfles de la plus belle verdure, tandis que le sol stérile des roches primitives ne produit que des buissons de fougère et de manuka. Les environs d’Onchunga et d’Otahuhu doivent à ces cônes de tuf leur fertilité remarquable.

En même temps que l’action volcanique par laquelle les cônes de tuf ont été formés, une élévation lente et successive de l’isthme entier paraît avoir eu lieu, en sorte que les éruptions postérieures se sont produites au-dessus de la mer. Dans cette seconde période, l’action volcanique est parvenue jusqu’à l’éruption de masses de scories incandescentes, de laves liquéfiées par le feu, et qui, en se condensant, ont pris la forme caractéristique de poires ou de citrons, et sont retombées à terre comme des bombes volcaniques ; et plus tard enfin cette action a produit des courants de lave qui se sont répandus au loin en fleuve incandescent. Alors les volcans d’Auckland étaient des montagnes vomissant du feu, dans le sens littéral du mot ; alors se sont formés leurs cônes de scories s’élevant à pic, et aux endroits où des jets de lave fréquemment répétés s’épanchaient du même cratère, se sont élevés aussi des cônes de lave comme le Rangitoto.

Les cônes de scories, bien qu’ils ne soient pas propres à la culture, n’en ont pas moins d’importance au point de vue pratique ; ils procurent une excellente matière pour macadamiser les routes, et c’est à ce macadam de scories que l’ithsme d’Auckland est redevable de ses belles voies.

Un système volcanique complet se compose donc de trois parties : d’un cône de tuf s’élevant en plateau et formant comme la base et le piédestal de tout l’ensemble ; d’un cône de lave plus escarpé qui est la masse principale de la montagne, et enfin d’un cône de cendres et de scories qui, avec le cratère, forme le pic du volcan, comme on le voit sur la gravure de la page 277.

Aujourd’hui, grâce aux embellissements que les colons européens ont répandus sur les terres volcaniques, converties en véritables jardins, ces montagnes rappellent moins des phénomènes géologiques depuis longtemps évanouis que l’histoire d’une population digne d’intérêt à tant de titres. Les sommets de ces cônes présentent des points de vue ravissants, d’où le regard embrasse l’ithsme tout entier d’une mer à l’autre, et je ne puis me défendre de considérer un moment encore le tableau qui se présente à mon souvenir.

Presque toutes les traces de l’état inculte primitif ont disparu sur l’ithsme. L’ancienne végétation a fait place en grande partie à la culture de plantes européennes, et les mauvaises herbes qui les accompagnent toujours, se mêlent aux restes de la flore indigène. Entre les ports de Waitemata et de Manukau, de belles routes coupent le sol dans toutes les directions. Des maisons de campagne et des métairies sont répandues entre les villes d’Auckland et d’Onchunga, des murs noirs de basalte et de vertes haies d’ulex séparent entre elles les propriétés, et l’on voit se déployer des prairies, des jardins et des champs, partout où la nature du terrain l’a rendu possible. Les bestiaux paissent dans les campagnes, les omnibus circulent sur les routes ; ici la famille d’un fermier s’avance dans un char à bancs, là passent au galop de rapides coursiers, des amazones et des cavaliers ; tout présente l’image d’une vie heureuse et pleine d’animation comme dans les contrées bénies du ciel de notre patrie.

Les lacs de forme ronde enfermés dans les anciens cratères étincellent comme des miroirs encadrés dans le sol ; la mer pénètre dans la terre par des baies et des bras innombrables, comme si le sol et l’eau n’avaient pas encore trouvé des limites déterminées. Au nord, le Rangitoto s’élève majestueusement au milieu du Waitemata, et en face de lui, le cône de scories du rivage septentrional. Des navires à voiles entrent et sortent par la passe, et des canots joutent entre eux dans le port. Du côté opposé, ou derrière trois grands pics aigus, la côte occidentale s’ouvre pour donner accès à l’Océan dans le vaste bassin du port de Manukau, on voit monter la longue colonne de fumée du bateau à vapeur qui portera nos lettres et nos souhaits à nos amis d’Europe. À la vue de toutes ces choses, comment croire que l’on est dans la Nouvelle-Zélande ?

C’est seulement à l’horizon, vers l’ouest et le sud, sur