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ces Schetibos un échange de cris joyeux et de politesses qui prouvait que leur connaissance mutuelle datait de loin.

L’étonnement que Julio avait manifesté en recevant l’ordre de remonter le canal Yapaya, au lieu de continuer à descendre l’Ucayali, devint de la stupéfaction quand je lui annonçai mon intention de passer la nuit chez ses amis les Schetibos. Sans lui laisser le temps de me questionner sur cette nouvelle fantaisie, je fis décharger la pirogue, porter ma moustiquaire dans celle des trois maisons vides qui me parut la mieux balayée, et comme la nuit était venue sur ces entrefaites, je soupai à la clarté des étoiles et pris possession de mon cadre d’étoffe après avoir recommandé à mes gens de m’éveiller au petit jour.

À l’heure dite, Julio secouait les cordes de ma moustiquaire pour m’avertir qu’il était temps de me lever ; la pirogue était rechargée, et lorsque je m’y fus installé, nous quittâmes la rive. Comme mon pilote dirigeait l’embarcation à l’est, vers le goulet du lac qui communiquait avec l’Ucayali, je le priai de changer de manœuvre et de gouverner à l’ouest. « Mais où allons-nous donc ? s’écria-t-il. — À Santa-Catalina, » répondis-je.

Départ de Sarayacu.

Santa-Catalina est une des trois Missions de la plaine du Sacrement encore existantes, et j’eusse cru manquer à mes devoirs de voyageur en passant devant elle sans la visiter. Quand je dis devant elle, j’abuse peut-être un peu de la préposition de lieu, car dix-huit lieues la séparent du lit de l’Ucayali ; mais comme aux débuts du voyage il m’était arrivé d’en faire vingt-cinq pour saluer un digne prêtre, ce trajet de dix-huit lieues ne pouvait me coûter, pour voir une ancienne Mission.

En quittant le lac Yapaya, nous nous étions engagés dans la petite rivière de Santa-Catalina qui l’alimente et dont le courant est assez rapide. Mes hommes ramèrent pendant tout le jour avec une bonne volonté et une énergie que j’eus soin d’entretenir par quelques rations de tafia. Au coucher du soleil, nous débarquâmes à un endroit de la rive gauche où s’épanouissait un ficus énorme. Nous allumâmes sous cet arbre le feu du campement, et nous goûtâmes à son ombre un sommeil paisible. Le lendemain à l’aube nous nous mettions en route, et vers midi nous entrions dans le port de Santa-Catalina.

Ce port était une simple échancrure pratiquée dans la berge par les empiétements de la rivière. La Mission, élevée de quelques pieds au-dessus de l’eau, en était distante d’un jet de flèche et se composait de onze chaumières et d’un carré long à toiture de palmes, qui me parut être l’église. Tout cela était éparpillé sur une pelouse d’herbe rase et jaunie, dont une croix de bois, jadis peinte au rocou, occupait le centre. Dans ce mé-