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À l’heure où nous écrivons cette ligne, la Mission de Sarayacu compte cent soixante-six maisons construites comme celles des indigènes de l’Ucayali avec des lattes de palmier et couvertes en palmes. La seule particularité qui les distingue de ces dernières, c’est qu’au lieu d’être ouvertes comme elles à tous les vents du ciel, elles sont à peu près closes sur leurs quatre faces. Chacune d’elles est affectée à un matrimonio, mariage ou ménage, dont la moyenne est de trois individus. Comme nous l’avions remarqué le jour même de notre arrivée, ces demeures sont inégalement espacées, capricieusement orientées et séparées l’une de l’autre par de hautes broussailles ou des massifs d’arbustes disposés de façon à ce que leurs habitants ne puissent voir leurs voisins ou en être vus. Ce goût d’isolement chez les néophytes de Sarayacu se retrouve chez les castes sauvages dont ils descendent, lesquelles tournent volontiers le dos aux points civilisés et s’abritent contre le vent qui souffle des villes.

Les caïmans du port de Sarayacu.

Parmi les cent soixante-six logis que nous venons de mentionner et dont le chiffre nous est donné par les derniers recensements, cent quinze sont habités par des descendants abâtardis de la race Pano, trente-cinq par des Omaguas et des Cocamas, seize par des individus des races Cumhaza, Balsapuertena[1] et Xebero. Ces néophytes d’origines diverses vivent en bons termes, mais ne contractent guère d’alliances qu’entre gens de même tribu. Le motif de cette mesure est l’inimitié secrète que tout Peau-Rouge nourrit invariablement contre l’individu d’une autre caste que la sienne.

Le couvent, l’église, les bâtiments de servitude, occupent, comme on l’a vu déjà par le dessin que nous avons donné (p. 165.), les trois côtés du parallélogramme formé par la place centrale. Quelques baraques qui bornent cette même place dans l’aire du sud-ouest, dérobent en partie les talus à pentes douces qui conduisent à la rivière. Là, dans une anse circulaire de quelque soixante pas de diamètre, flottent une douzaine de pirogues réunies par une chaîne et un cadenas. C’est le port de la Mission.

Paul Marcoy.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Nous entrerons dans quelques détails sur ces indigènes, en traitant de la Mission de Santa Catalina.