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XV

Excursion à Aïlat. — Eaux thermales. — Saati : le café au sel. — Monkoullo : villégiature ; les porteurs d’eau. — Mgr Masaja.

À Desset, j’étais trop rapproché d’Aïlat et de ses eaux thermales pour résister à la tentation de faire une excursion de ce côté. Une petite marche me mena jusqu’à ce gros village où je passai deux jours, fort gracieusement traité par une sorte de cheik qui gouvernait ces pasteurs au nom du naïb alors absent.

Je n’étais pas venu à Aïlat pour y prendre les eaux dont je n’avais que faire ; mais j’aurais rougi de quitter la vallée sans voir ces fameuses sources thermales dont parlent tous les voyageurs, et qui se cachent d’ailleurs dans un de ces vallons pittoresques qui faisaient mes délices de touriste. Je quittai donc le hameau en compagnie d’Ahmed et d’un chef indigène ; je traversai un large lit de torrent à fond de galets qui vient du sud, et a pour bordure un fouillis d’arbres magnifiques, et en une heure et demie j’atteignis le pays par où débouchait un ruisseau appelé Mai Ooi (eau chaude). Encore six cents mètres, et j’allais arriver aux sources. L’eau était toute salie, ce dont je me rendis compte en voyant descendre vers Aïlat une foule de moutons que leurs bergers venaient, selon leur usage quotidien, de baigner à la source, opération qui demande quelque peu de temps et de patience. Cette vertu, heureusement, ne manque pas à ces montagnards.

Aïlat et Plaine de Motad. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

La source proprement dite sort de terre au pied d’une montagne assez roide appelée Akouar, là où se voit une sorte de petite prairie ou de pâture marécageuse d’où sourdent quelques filets d’eau dont un seul a une température élevée ; tous se réunissent à vingt pas plus loin dans un chapelet de petits bassins formés par des masses de dolérite, et dans le plus profond desquels un homme en s’accroupissant peut prendre un bain assez complet. Je trouvai quatre ou cinq baigneurs et baigneuses livrés à cette occupation salutaire. Je dirai en passant que ces Africains demi-nus observent dans ces bains en plein air une décence que j’ai regretté de ne pas trouver chez des gens plus civilisés : en Valachie, par exemple, où j’ai vu, à un kilomètre de Bucharest, une centaine de petits bourgeois de cette ville s’ébattre pêle-mêle, soldats, popes, femmes, dans la Dimbovitza, après avoir laissé leurs peignoirs au vestiaire ; spectacle pittoresque, à coup sûr, mais qui me dégoûta à tout jamais des eaux si vantées de cette rivière, dont un proverbe dit :

« Dimbovitza, apa dulce,
Chi ne be nu mai se duce[1]. »

  1. Dimbovitza, eau si douce ! qui en a bu ne s’en va plus.