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opérés ces mois derniers à Khartoum même. Avant-hier, à midi, passaient devant mon magasin plus de soixante esclaves liés deux à deux par le cou, toujours pour le compte du gouvernement. Les casernes regorgent d’esclaves : on en vend, on en donne aux employés du gouvernement pour remplacer leurs appointements en retard.

Dans une lettre que je vous ai écrite et que vous n’avez sans doute pas reçue, je vous disais que Mohammed-Kher, qui vient de faire une véritable chasse aux nègres chez les Chelouks a été pour ce beau fait d’armes nommé Mamour (préfet) égyptien : et que notre gouverneur a reçu, en retour, grand lot d’esclaves et de bestiaux. C’est T…[1] qui a eu l’honorable commission d’aller les chercher dans le repaire du nouveau mamour. Si tout cela se fait sous la protection du gouvernement, que ne feront pas les particuliers au Bahr et Gazal, au Saubat, au Niambara ?

Il est parti cette année à coup sûr plus de deux cents barques ; vingt à peine, vous le savez, vont faire le commerce honnête. Comment voulez-vous que les Soudaniens abandonnent l’esclavage, lorsque Mouça-Pacha lui-même vend, achète, spécule sur ces malheureux : lorsque le gouvernement lui-même en donne l’exemple ?…

La montagne le Lion (voy. p. 108). — Dessin de Eng. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Nous n’avons jusqu’ici aucune nouvelle positive de l’extension qu’a pu avoir cette année le triste commerce des nègres du fleuve Blanc. On dit que les négriers, au lieu de porter comme avant les nègres qu’ils pillent de la rive droite à la gauche, les mènent sans leur faire voir les barques avec la moitié de leurs soldats à Messolemieh et surtout à Gaulé où ce pauvre bétail humain est vendu et expédié au Caire par la voie de Souakim. Une partie des soldats de Moharem Effendi, mudir des Chellouks ou du fleuve Blanc est Hellat-Hedangla, une autre aux Djabbellinn (on dit que l’officier qui était là est un concessionnaire pourvu d’un appétit dévorant), et la troisième à deux heures au-dessous de Dénab avec Mahorem lui-même.

G. Lejean.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Un renégat français au service égyptien.