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listes qui ont voyagé en Afrique, ne dépasse pas ici six à sept pieds : sa tige fibreuse est employée par les Arabes à la fabrication de la poudre, dans toute l’Afrique nord.

J’ai trouvé assez curieux le passage suivant d’un ancien chroniqueur tunisien sur l’ocher : c’est un spécimen de botanique barbaresque :

« L’intérieur du fruit qui est cotonneux est appelé bhorfo par les Arabes qui s’en servent pour remplir des matelas et des coussins. Des personnes dignes de foi m’ont assuré avoir vu des vêtements faits avec cette espèce de coton.

« Le bois de l’ocher est tendre, creux et uni ; c’est pour cela que les Arabes lui comparent les jambes et les bras de leurs femmes.

« Les animaux ne se nourrissent pas de ses feuilles. On extrait de cet arbuste une gomme très-douce mais d’une odeur désagréable appelée sucre de l’ocher ou marfour

« Il croît sur le bord des torrents, dans les vallées, et, bien rarement, dans les sables. Autrefois les Arabes employaient des formules magiques pour obtenir la pluie au moyen de cette plante et du sata. Voici comment ils procédaient : ils prenaient des branches de ces arbres, les attachaient à la queue des vaches, y mettaient le feu et poussaient ces animaux dans la montagne : ils assurent que la pluie ne manquait jamais de tomber aussitôt. » (El Tidjani.)

Pierre près Kassala (voy. p. 107). — Dessin de Eng. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Cette énumération des vertus de l’ocher me paraît suspecte. J’avale difficilement l’histoire des vêtements faits avec son coton, et je plains les dames dont les jambes ou les bras ressembleraient à l’espèce de sarment qui forme sa tige. Les animaux, dit Tidjani, ne se nourrissent pas de ses feuilles : je le crois sans peine : elles distillent un suc laiteux, abondant, et très-vénéneux.

Son fruit, de la forme et du diamètre d’une grosse orange, a la couleur de la feuille, il est très-léger (huit ou dix grammes au plus) et ne contient qu’une sorte de duvet semblable à celui de nos chardons, mais brillant et fin. Il n’est pas, je crois possible de tirer parti de ce duvet, et j’avais formé le projet d’en faire recueillir quelques livres pour faire faire des essais en France : mais le temps me manqua.

On raconte au Soudan, sur l’ocher, une anecdote que je ne garantis pas. Un mek ou prince Sennarien avait été présenté à Méhémet-Ali, qui lui fit servir des oranges et lui demanda si le Sennâr en produisait aussi. « Beaucoup, répondit le prince noir, mais nul ne songe à en manger. › En 1839, quand Méhémet-Ali se trouvait à Khartoum, l’idée lui vint de faire chercher les oranges du Sennâr : nul ne put lui en fournir et pour