pendance, dresse fièrement ses ruines comme ferait un vieux mendiant drapé dans ses haillons.
Sax est le nom de la station suivante, et c’est la dernière ville de la province d’Albacete ; la voie fait de nombreux détours et traverse plusieurs barrancos ou ravins escarpés. À la sortie d’un assez long tunnel, nous débouchâmes sur la jolie vallée d’Elda, qui s’étendait à notre gauche, et nous atteignîmes Monovar, puis bientôt après Novelda, deux petites villes inondées de soleil et situées au milieu d’un pays très-accidenté.
C’est non loin de là qu’est le fameux Pantano de Tibi, grand réservoir servant à réunir les eaux entre deux montagnes ; le mur gigantesque qui les retient a plus de soixante pieds d’épaisseur, et cent cinquante au moins d’élévation. Ce merveilleux travail, qu’on croirait l’œuvre des Romains, date de la fin du seizième siècle et permet d’arroser la contrée dans les temps de sécheresse.
La végétation du royaume de Murcie, qui est presque tropicale, nous dédommagea de la monotonie plaines d’Albacete, où nous n’apercevions que des champs de blé s’étendant à l’infini, des chardons, superbes il est vrai, mais un peu trop nombreux, et des rangées de moulins à vent agitant leurs grandes ailes à l’horizon. Les figuiers et les amandiers atteignaient des proportions monstrueuses, et les vignes, au feuillage rougi par un soleil digne de l’Afrique, étaient chargées d’énormes grappes vermeilles comme l’ambre ; bientôt le train s’arrêta : nous étions à Alicante.
Alicante n’est autre chose qu’une ville de commerce, ce qui ne l’empêche pas d’avoir, comme presque toutes les villes d’Espagne, la prétention de remonter aux temps les plus fabuleux : doit-on la regarder comme l’ancienne Alona, ou bien est-elle bâtie sur l’emplacement de la colonie romaine de Lucentum ? La question a été débattue dans un très-savant ouvrage du comte de Lumiares y Valcarcel, qui n’est pas partisan de Lucentum ; un fait certain, c’est que l’Alicante que nous vîmes est une ville tout à fait moderne : une promenade très-consciencieuse ne nous fit pas découvrir le moindre fragment de constructions antiques, aucun monument arabe, et pas même un édifice du moyen âge ou de la Renaissance.
C’est avec aussi peu de succès que nous cherchâmes à découvrir les minarets chantés par Victor Hugo dans une de ses plus charmantes Orientales :
Alicante au clocher mêle les minarets.
Notre grand poëte a peint dans cette orientale si connue, les villes d’Espagne les plus célèbres en quelques vers aussi pleins de charme que de couleur et de vérité ; cependant il faut reconnaître qu’il a été moins heureux pour Alicante que pour les autres villes et que sa description laisse un peu à désirer sous le rapport de l’exactitude ; car il serait tout à fait impossible, avec la meilleure volonté du monde et avec le plus grand amour de la poésie, d’y trouver le moindre clocher ou le plus mince minaret. L’hôtel de ville, qu’on appelle la casa municipal, est un bâtiment assez imposant, d’une architecture correcte, mais qui n’a rien d’oriental, malgré ses quatre grandes tours carrées. Au milieu de la façade, sont sculptées