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fiancé ne peut se remarier : il n’en est pas de même du jeune homme.

Après les fiançailles, on fixe en famille l’époque de la fête du mariage qui est quelquefois ajournée à plusieurs années. Cela dépend de la volonté des parents, des horoscopes des deux fiancés, et des prescriptions de l’almanach impérial, dont la science astrologique décide pour chaque semaine, pour chaque jour de l’année, les temps fastes et néfastes.

Une jeune Chinoise n’apporte aucune dot ; ce sont les parents de l’époux qui payent une somme d’argent pour l’acheter, et qui font les cadeaux d’étoffes, de meubles et de provisions. Si le père de l’épousée n’a pas d’enfants mâles qui héritent de lui à l’exclusion absolue des filles, il s’engage par avance à lui laisser une partie de sa fortune ; car ce sont ses neveux ou ses collatéraux masculins qu’il préférera pour légataires de ses biens, afin d’être assuré que ses héritiers accompliront les cérémonies rituelles devant sa tombe et devant l’autel de ses ancêtres, ce dont une femme est regardée comme indigne.

Dame de Pékin. — Dessin de Staal d’après l’album de Mme de Bourboulon.

Les premières démarches sont toujours confiées à des entremetteuses appelées mei-jin, et c’est seulement quand les conditions sont réciproquement acceptées, que les deux familles échangent des visites. Tout le monde alors peut voir la jeune fille, excepté celui qui l’épouse : il doit s’en tenir au ouï-dire de ses parents.

Les cérémonies du mariage varient beaucoup dans leurs formes, suivant les provinces. À Pékin, la mariée se rend en pompe au domicile de son époux qui la reçoit à la porte de sa maison : elle est parée de ses plus beaux vêtements en soie brodée d’or et d’argent ; ses longues nattes noires sont diaprées de pierreries et de fleurs artificielles (si la famille ne possède pas de bijoux, l’usage est d’en louer pour la journée chez les prêteurs sur gages), sa figure est fardée, ses lèvres rougies, l’arc de-ses sourcils et noirci, et ses vêtements sont inondés de musc. Un palanquin richement orné et entouré de musiciens l’attend à la porte : elle se présente devant sa mère qui lui attache sur la tête le voile nuptial dont elle est entièrement recouverte. Il est d’usage que la mère et la fille se confondent alors en gémissements, et la timide épouse doit être entraînée de force de la maison paternelle ; agir autrement serait manquer aux lois de la pudeur et du bon goût. Au moment où le palanquin atteint la porte du domicile conjugal, on tire un feu d’artifice et les spectateurs font le