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disparaître ces épaves de la mort, aussi horribles à la vue que dangereuses pour la santé publique. Dans quelques villes, il existe, dit-on, des sociétés philanthropiques qui font donner la sépulture aux pauvres, mais la seule chose que nous ayons pu constater, c’est la spéculation de certains industriels, qui, moyennant un droit assez élevé, conservent dans des locaux affectés à cet usage les corps des marchands ou des riches particuliers des provinces éloignées, morts en voyage, et que leurs familles font réclamer et transporter à grands frais.

Le mariage est loin d’être célébré avec la même pompe que les funérailles.

La condition de la femme est servile en Chine. Il y a un proverbe qui dit : La jeune fille est soumise à ses parents, l’épouse à son mari, la mère à son fils. La femme est considérée comme inférieure à l’homme ; sa naissance est un malheur ; une fille ne peut être qu’à charge à sa famille, car elle doit être enfermée jusqu’à l’époque de son mariage, et comme elle n’exerce aucune industrie, elle ne saurait dédommager ses parents des dépenses qu’elle leur occasionne. Elle vit en recluse dans la maison paternelle mangeant seule à l’écart, regardée comme une servante et en remplissant les fonctions. Toute son instruction consiste à savoir manier l’aiguille et à préparer les aliments. Le Gouvernement, qui attache une si grande importance à l’instruction publique, et qui a multiplié avec tant de soins les écoles et les maisons d’éducation, n’a pas songé aux enfants du sexe féminin. La femme, c’est la propriété de son père, de son frère, de son mari. Elle n’a même pas d’état civil. On la marie sans la consulter, sans lui faire connaître son futur époux, sans daigner lui en dire le nom.

Chez les riches Chinois, les femmes mariées sont complétement confinées dans le gynécée. Lors des rares occasions où leur maître les autorise à se visiter entre elles ou à aller visiter leurs parents, elles ne sortent que dans des chaises hermétiquement closes. Les Chinois de haut rang sont très-jaloux de tout ce qui touche à leurs femmes, reléguées au fond d’un corps de bâtiment réservé. Aucun des membres de la diplomatie européenne n’eut occasion, malgré des relations journalières et une certaine intimité avec les mandarins, d’apercevoir ni leurs épouses, ni leurs filles, ni même les femmes âgées de leur famille. Pendant la guerre, lorsque les officiers européens pénétraient jusque dans les appartements les plus secrets pour faire des casernements les jeunes femmes étaient cachées dans des coffres ou sous des monceaux de vêtements. Elles se familiarisèrent peu à peu cependant avec les figures européennes, et dans les derniers temps de l’occupation, chaque fois que la musique militaire passait, faisant retentir les rues de la ville de ses vigoureuses harmonies, on voyait de petites mains ouvrir les châssis des fenêtres, et de jolies têtes aux longues tresses brunes se pencher pour écouter.

Menus objets de toilette d’hommes et de femmes (voy. p. 79). — Dessin de Catenacci d’après une photographie.

Il n’en est pas de même dans les classes pauvres : les femmes sortent à visage découvert et jouissent d’une certaine liberté chèrement achetée par les travaux pénibles et fatigants auxquels elles sont condamnées. Ces malheureuses créatures, qui servent de bêtes de somme à leurs maris sont dégradées, courbées en deux, vieilles et laides à vingt ans.

La polygamie existe en Chine, quoiqu’elle ne soit pas reconnue par la loi qui ne fait que la tolérer. Quelque nombre de femmes qu’ait un grand personnage, il n’a jamais qu’une épouse légitime, la première. Les Chinois appellent les autres, petites femmes ou femmes de second rang. Celles-ci doivent obéissance à la femme légitime, qui seule ne peut être répudiée sans des raisons légales. La loi ne dit rien des autres que le mari peut traiter suivant son caprice.

Les veuves ne doivent pas se remarier ; l’usage fait considérer cela comme un déshonneur, et comme digne du mépris public. La loi interdit même aux veuves de mandarins de convoler à de secondes noces : la gloire qu’elles ont eue de vivre avec un homme honoré de distinctions publiques doit leur suffire.

Les mariages ou du moins les fiançailles sont souvent conclus avant que les contractants aient atteint l’âge d’adolescence. Cela dépend des conventions entre les parents, et, comme l’obéissance des enfants est absolue, la pensée ne leur viendrait même pas de s’opposer aux arrangements qu’on a pris pour eux. La cérémonie des fiançailles est considérée comme le mariage définitif ; personne n’oserait contester la sainteté de cet engagement qui est si solennel qu’une fiancée qui perd son