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élever un temple, un site riant et pittoresque, avec des eaux pures, des grands arbres et une végétation fertile ; ils y creusent des étangs et des ruisseaux, et y tracent une foule d’allées tournantes, près desquelles ils multiplient les arbustes et les fleurs ; par ces avenues fraîches et parfumées, on arrive à plusieurs corps de bâtiments entourés de galeries, dont les piliers sont couverts de plantes grimpantes : on se croirait dans une résidence champêtre consacrée aux plaisirs des sens plutôt que dans un sanctuaire dédié à la Divinité.

Tel est le temple de la Cloche, qui doit son nom à un énorme instrument qui n’a pas la même forme que ses homonymes d’Europe. C’est un cône allongé et presque cylindrique, tout entier en bronze pur sans alliage, d’environ cinq mètres de haut sur trois de diamètre et huit centimètres d’épaisseur. Cette cloche pèse soixante mille kilogrammes et est couverte de frises, de filets, de moulures et de plus de trente-cinq mille caractères en ancien chinois et en langue mandchoue, ciselés en relief et d’une netteté admirable. Comme elle n’est pas mobile et n’a pas de battant, on se contente de frapper dessus avec un pilon en bois mû avec des cordes ; ce qui produit, malgré la pureté du métal, un son sourd à vibrations peu prolongées et indistinctes.

Non loin, au milieu d’un vaste amphithéâtre de hautes collines, s’élève le temple de Pi-yun-tse. L’avenue par laquelle on arrive à l’édifice sacré a plus d’un kilomètre de longueur ; elle est ombragée des deux côtés par une allée de sapins plantés à égale distance et habités par des écureuils et des faisans. L’architecture du temple est assez grandiose : ce monument, placé au pied d’une éminence, est entouré de galeries et de terrasses superposées qui vont toujours en diminuant jusqu’au faîte ; il s’élève ainsi, degré par degré, avec ses mille salles et ses mille corridors.

La grande chaussée dallée en granit, qui conduit aux ruines qui furent le Palais d’été, passe près du village de Hai-tien. Les coteaux environnants sont couverts de jardins et de belles habitations appartenant aux mandarins attachés à la personne de l’empereur. Un grand lac de forme carrée précède l’entrée du palais. À gauche, une route dallée conduit à un nouveau village, habité également par les gens de service du palais, ainsi que l’indiquent les tuiles jaunes des toits. Au nord-ouest, on aperçoit les montagnes que domine la tour du Guet, du haut de laquelle les gardiens chargés de veiller sur les abords de la résidence impériale purent signaler, en 1860, l’approche des barbares de l’Occident.

La tour du Guet. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Tout ce paysage, quoique artificiel, est admirablement tourmenté ; les terres provenant des étangs ont formé de hautes collines rocailleuses, jetées çà et là au milieu de