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œil ; il doit avoir plus de cent ans, et son existence est une preuve irréfutable de la longévité qu’on attribue à ces colosses de la création. C’est le dernier et vénérable témoin des magnificences de cette cour du Fils du Ciel célébrée par les missionnaires et les voyageurs du dix-septième siècle.

Les établissements des missions chrétiennes se sont multipliés rapidement à Pékin, et y ont repris une partie de leur splendeur passée. On compte déjà dans la capitale quatre établissements catholiques : le Peh-Tang ou mission du Nord, situé dans l’enceinte de la Ville Jaune, le Nam-Tang ou mission du Sud qui contient la cathédrale non loin de la porte de Tchouen-Tche, enfin les missions de l’Est et du Nord-Ouest placées dans les quartiers correspondants de la Ville Mongole. Ces deux derniers, qui sont plutôt des écoles pour les néophytes chinois n’ont qu’une importance secondaire et nous les passerons sous silence ; quant au Peh-Tang et au Nam-Tang qui ont appartenu aux jésuites français et aux franciscains portugais au dix-huitième siècle, ils présentent assez d’intérêt, au point de vue architectural, pour que nous en donnions la description.

Pagode impériale de Kwang-Min-Tien. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Le Peh-Tang, situé non loin de la mer du Milieu, contient toute une série de pavillons à un étage séparés par de vastes cours, et une ancienne chapelle avec une tour entourée d’une balustrade en fer formant terrasse sur laquelle on peut monter. On jouit sur cette terrasse de la vue d’un immense panorama ; elle a servi à faire les premières épreuves photographiques, qu’on ait essayées à Pékin, et que nous devons au zèle du révérend provicaire apostolique. Le parc du Peh-Tang est superbe et tellement vaste que les Chinois lui donnent le nom de forêt, ce qui n’a rien d’exagéré pour qui a visité ces ombrages deux fois séculaires. Cet établissement, rendu tout récemment aux missions françaises, deviendra de la plus haute importance. Il avait été complétement ravagé au temps de l’expulsion des jésuites, mais les efforts de la populace de Pékin ont été impuissants contre l’enceinte de la chapelle formée de grilles fleurdelisées en fer massif qu’on n’a pu desceller, mais qui portent encore visiblement les empreintes de la fureur populaire. On y voit aussi une porte d’honneur monumentale, en style du temps de Louis XIV, avec des colonnes doriques, des feuilles d’acanthe, et deux vases grecs qui la surmontent ; elle fait le plus singulier effet au milieu de l’architecture fantastique du pays.

Ce que le Nam-Tang, ancien établissement des Portugais cédé aussi à la France, contient de plus remarquable, c’est la cathédrale catholique : cet édifice, bâti du temps de Louis XV, se compose de deux tours carrées, comme celles de l’église Saint-Sulpice à Paris, et d’un corps de bâtiment avec des fenêtres à ogives et des