Page:Le Tour du monde - 10.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La Puerta de Justicia (entrée de l’Alhambra). — Dessin de Gustave Doré.


VOYAGE EN ESPAGNE,

PAR MM. GUSTAVE DORÉ ET CH. DAVILLIER[1].




GRENADE.

1862. — DESSINS INÉDITS DE GUSTAVE DORÉ. — TEXTE INÉDIT DE M. CH. DAVILLIER.



Une Casa de Pupilos. — Le Patio. — Les rues de Grenade. — Les louanges des poëtes arabes. — Les origines de Grenade : l’ancienne Karnattah phénicienne ; l’Illiberis des Romains. — Les Goths et les Arabes. Ibn-Al-Hamar. — Guerres civiles. Grandeur et décadence de Grenade.

La nuit commençait à tomber quand nous fîmes notre entrée à Grenade ; nous venions de passer sous la Puerta de Facalauza, une des anciennes portes de la ville moresque, dont le nom signifie en arabe : Porte des amandiers. L’arrabal ou faubourg, que nous traversâmes, est d’un aspect assez misérable et n’annonce guère l’entrée d’une ville aussi riche en merveilles que l’ancienne capitale de Boabdil. Après avoir tourné dans un grand nombre de ces ruelles tortueuses que les Espagnols appellent callejones, notre tartane s’arrêta devant une casa de pupilos de la Calle de la Duquesa, où notre compagnon de voyage, l’avocat de Velez Rubio, avait l’habitude de descendre. Nous fîmes donc nos adieux à notre calesero Paquito et à ses deux mulets Comisario et Bandolero, et le señor Pozo, tailleur grenadin, — sastre granadino, — comme disait fièrement son enseigne, nous admit d’emblée au nombre de ses pensionnaires. Le señor Pozo était un excellent homme, et nous fûmes comblés, par sa femme et par lui, de toutes sortes d’attentions et de prévenances.

La casa de pupilos n’est pas un hôtel, et le nombre des pensionnaires qu’on y reçoit est ordinairement limite à quelques-uns. C’est quelque chose comme la pension bourgeoise chez nous, ou comme le boarding-house des Anglais, avec plus de laisser-aller, plus de familiarité. Ces maisons sont ordinairement peu fréquentées par les étrangers ; quant à nous, nous les recherchions toujours de préférence aux hôtels, dont le faux luxe et l’hospitalité de mauvais aloi ne valent pas un accueil plus simple, mais presque toujours patriar-

  1. Suite. — Voy. t. VI, p. 289, 305, 321, 337 ; t. VIII, p. 353 ; t. X, p. 1 et 17.