Page:Le Tour du monde - 10.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Campement anglais dans une vallée du Khondistan. — Dessin de sir John Campbell.


LES MÉRIAHS OU SACRIFICES HUMAINS

DANS LE KHONDISTAN OU GHONDWANA (INDE ANGLAISE),


RÉCITS DU MAJOR GÉNÉRAL JOHN CAMPBELL, EX-COMMISSAIRE ANGLAIS DANS CETTE RÉGION[1].
1840-1851.


I

L’ancien royaume d’Orissa, réduit désormais sous le nom de Zillah de Cuttack, au rôle de simple district et perdu comme tel dans l’immensité de l’empire anglo-indien, fut jadis, si l’on en croit les conditions écrites, une espèce d’Éden, célèbre pour la beauté de ses paysages, la magnificence de ses villes, un sol sacré où affluaient les brahmines, où les pèlerins accouraient de toutes parts. Les Pundits d’autrefois vantaient à l’envi les temples de son ancienne capitale, Bhuvaneswar, les bords riants de la sainte rivière qui arrose le pays d’élection, le Mahanuddy. L’un d’entr’eux, Bharadwagee Muni, qui fut aussi un des plus fameux généraux de l’empereur Akbar, déclare solennellement « qu’une pareille contrée devrait échapper à l’ambition humaine, attendu que les dieux seuls peuvent en revendiquer la possession. » Le temps a fait justice de toute cette splendeur, de toute cette prospérité. Après avoir existé pendant près de quatre siècles comme monarchie indépendante sous les princes de la race Gunga Vansa, le royaume d’Orissa devint, en 1558, une principauté annexée à l’empire Mogol. Les cataclysmes religieux de l’Inde s’y firent sentir. Les conquêtes de la nation Uria ou Ooryah réduisirent son territoire qui avait compris autrefois une portion considérable du Bengale et du Télingana ; ses villes les plus célèbres disparurent l’une après l’autre sous la puissante végétation des jungles, qui effaçaient peu à peu jusqu’à leurs derniers vestiges. On sait à peine ou était située la capitale du pays que le voyageur chinois Hiotien Thoang visita vers le milieu du septième siècle[2]. On l’ignorerait même tout à fait, sans l’exploration du lieutenant Kittoe qui, en 1838, parcourut en antiquaire passionné ce pays dévasté, ce désert

  1. A Personal narrative of thirteen years service amongst the wild tribes of Khondistan for the suppression of humans sacrifices.
  2. Ses voyages dans l’Inde, compilés par deux de ses élèves, ont été traduits en français par M. Stanislas Julien.