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pays l’eau et le sam-chouck, eau-de-vie de sorgho ou de riz.

Une des plus grandes difficultés de la traversée des steppes, c’est l’absence complète de combustible ; les nomades se chauffent avec les bouses et les déjections de leurs bœufs et de leurs chevaux qu’ils appellent des argols et qu’ils transportent partout avec eux dans de grands sacs, après les avoir fait sécher soigneusement. Après deux ou trois jours de marche, on en fut réduit comme eux à se servir de ce mode de chauffage, qui a bien des inconvénients, surtout pour la cuisine.

Il n’y a pas de maisons bâties dans les déserts de Tartarie, et il fallut camper en plein air.

Les officiers d’escorte, auxquels était remise la direction du voyage, faisaient préparer à l’avance des tentes à la station de poste où ils avaient décidé qu’on passerait la nuit. Ces tentes avaient été construites exprès pour les voyageurs et sur le modèle le plus somptueux : elles étaient circulaires, avaient un diamètre de quatre à cinq mètres, et une élévation de trois mètres au centre, ce qui leur donnait la dimension d’une grande chambre à coucher. Le bas en était formé d’un assemblage de claies mobiles pouvant se resserrer ou s’étendre à volonté, sur lesquelles on déployait une tente soutenue par un système de carcasse en bois venant se fixer sur les claies et imitant la disposition des baguettes d’un vaste parapluie.

Faisan doré (voy. p. 326). — Dessin de Mesnel d’après nature.

La porte de ces tentes était en bois, à deux battants, mais très-basse et avec un seuil formé d’une épaisse traverse de bois. Au milieu et dans le haut était un trou circulaire servant à laisser passer l’air et au besoin la fumée ; le bas ainsi que le sol était garni en dehors et en dedans d’épais feutres en poils de chameaux ; l’intérieur était orné de riches soieries chinoises ; enfin un rideau en même étoffe que la tente, les tapis, et la garniture des claies, pouvait se tirer horizontalement pour fermer l’ouverture pratiquée dans le haut : ce feutre impénétrable à l’humidité et à la pluie a au moins deux centimètres d’épaisseur. Pour maintenir les tentes contre la violence du vent, on plaçait sur les cordes qui servaient à les déployer d’énormes blocs de pierre ; car dans le désert, il n’y a pas un buisson, ni un seul morceau de bois.

Voilà dans quelles conditions de vie, de nourriture et de logement, et avec quels moyens de transports devait s’effectuer le voyage à travers les steppes de Mongolie, de Kalgan à Kiatcha, ville frontière de Sibérie, voyage de quinze cents kilomètres au moins d’après les évaluations des Mongols.

De Pékin à Kalgan, on avait franchi à cheval et à petites journées quatre cent douze lis chinoises, soit environ deux cent dix kilomètres ; à partir du Kalgan, le voyage devint plus rapide, et tout le monde dut faire usage des charrettes dont le nombre avait été calculé sur celui des voyageurs.

« Oro-Houdouk, 25 mai. — La voiture de Mme de Baluseck est très-commode, presque tout le trajet entre Bourgoltaï et Halataï nous l’avons fait au galop.

« Nous restons ici cette nuit : Dieu merci, les préparatifs de dîner et coucher se sont faits plus facilement.

« Tchatchourtaï, 26 mai, sept heures et demie du soir. — Nous sommes partis de grand matin d’Oro-Houdouk ; la mer de gazon continue dans toute sa splen-