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brusquement à terre, et le voyageur, s’il n’est pas prévenu ou s’il dort, court grand risque d’être jeté à bas, la tête la première : autrement, il doit se cramponner à la voiture.

Tel est le mode d’attelage, d’un usage immémorial chez ces peuples primitifs et aussi dangereux pour les postillons, qui risquent d’être éventrés si leurs chevaux faisaient un faux pas, qu’il est pénible pour ceux qu’on fait rouler ainsi.

Les Mongols requis pour le service des voyageurs sont bien montés et excellents cavaliers.

Leurs chevaux petits, à la jambe nerveuse et à tous crins, sont presque tous de couleur isabelle, avec des taches fauves et une raie noire sur le dos ; cependant, on en trouve quelques-uns qui sont alezans ou bai-bruns ; les chevaux blancs sont inconnus. Quelle que soit la couleur de l’animal, il a toujours la raie du dos, la crinière et la queue entièrement noires ; ce qui viendrait à l’appui de l’opinion des naturalistes qui placent l’origine du cheval sur les hauts plateaux de l’Asie centrale ; cette livrée des chevaux mongols doit être très-voisine de leur couleur primitive, car elle rappelle d’une manière sensible celle des hémiones, des onagres et des dziggetaïs, espèces sauvages analogues habitant encore aujourd’hui les mêmes régions.

Quant aux cavaliers, ils portent une grande robe boutonnée et descendant jusqu’aux pieds : cette robe, fendue sur quatre côtés, forme quatre pans pouvant se relever au moyen d’agrafes ; par-dessus est une jaquette courte en étoffe doublée de peaux ; la robe est serrée à la taille par une ceinture de soie à laquelle sont fixés à l’aide de rubans de même étoffe un briquet, une blague, une pipe placée dans son étui et un éventail.

Les jambes sont nues jusqu’aux genoux ; le haut de la jambe est vêtu d’un caleçon en toile, les bottes sont très-courtes, à pointes relevées comme des souliers à la poulaine et très-évasées en haut de la tige : elles servent de magasin au cavalier nomade ; il y serre tous les petits objets nécessaires à ses longues pérégrinations.

Les Mongols ne portent pas d’éperons ni d’armes apparentes ; leur coiffure est un bonnet en peau de renard enfoncé jusqu’aux yeux, ou pour les officiers et les élégants une calotte en drap de couleur finissant en pointe, au lieu d’être arrondie comme celles des Chinois, avec des revers en laine fine ou en fourrure.

Ils ont des moustaches et portent tous leurs cheveux quand ils sont hommes noirs, c’est-à-dire séculiers ; les prêtres ou lamas, qui sont requis comme les autres pour le service de postillons, sont complétement rasés ; ce sont, en langage du pays, des hommes blancs.

La selle des cavaliers mongols est en bois, très-petite, très-étroite et fortement creusée ; elle est tenue par une sangle en cuir ; ils y placent un coussin pour être assis plus haut.

Les chevaux n’ont pas de mors à gourmettes, mais un bridon avec deux anneaux seulement qui correspondent à la lanière servant de bride.

Les étriers sont très-larges et en métal massif.

Le fouet est un court bâton avec une lanière en cuir tressée : ils le portent fixé solidement au poignet droit.

Neuf charrettes ainsi attelées composaient le convoi français. Mme de Baluseck en avait trois outre sa calèche.

En comptant les cavaliers de relais pour chaque voiture et les officiers d’escorte, les voyageurs étaient toujours accompagnés par une soixantaine de Mongols.

Tous les matins, deux ou trois heures avant le départ, une véritable caravane de chameaux, portant à dos les gros bagages et les caisses de provisions, se rendait à petites journées à la station où on devait coucher.

Les chameaux des Mongols appartiennent à l’espèce à deux bosses qu’on rencontre aussi dans la Russie méridionale et en Perse ; ils sont de très-grande taille, ont Le pelage très-long et très-soyeux et supportent admirablement la rigueur des hivers dans les steppes ; mais au printemps ils perdent complétement leurs poils et restent nus pendant un mois environ : c’est avec ces poils que les indigènes fabriquent d’épaisses étoffes de feutre, qui leur servent à faire des matelas, à couvrir leurs tentes, et à une foule d’autres usages domestiques. Ces animaux, qu’on accoutume de bonne heure à porter des fardeaux, se mènent aisément par une cheville de bois qui leur traverse la cloison du nez ; dans les caravanes, ils sont attachés ordinairement cinq ou six à la file les uns des autres ; le dernier est porteur d’une clochette ; le chamelier dirige celui de tête par la corde attachée à la cheville du nez, et tous les autres imitent aussitôt les mouvements du chef de file : ainsi, quand il veut les faire arrêter, le conducteur tire fortement la corde et crie : Sok, sok ! les chameaux poussent un grognement et s’agenouillent ; quand il veut qu’ils se remettent en route, il touche le chef de file au flanc avec le manche de son fouet, prononce les mots : Toutch, toutch ! et tous se relèvent avec ensemble. Cependant, si les chameaux sont très-dociles ils sont aussi très-ombrageux, et souvent il résulte de graves accidents de circonstances très-naturelles en apparence, mais qui ont suffi pour jeter la panique dans la caravane. De quelle immense utilité d’ailleurs est cet animal, grâce à la sobriété et à la force duquel on peut traverser sans crainte de la famine les immenses steppes du nord de l’Asie !

Les caisses que transportaient les chameaux de la caravane qui suivait les voyageurs, avaient été garnies de toutes les provisions qu’on avait pu se procurer : des liqueurs et des vins, du biscuit de mer et du riz, du beurre salé et des conserves alimentaires de viandes et de légumes en boîtes. Quand on rencontrait des nomades avec leurs troupeaux, ce qui n’arrivait pas souvent, ces pasteurs consentaient facilement à vendre des moutons, du laitage et des fromages de brebis et de chamelle.

L’eau ne manque pas, surtout au printemps, et on trouve des puits à toutes les stations du désert ; en cas de besoin, on s’était muni d’outres mongoles, c’est-à-dire de paniers en feutre goudronné placés dans d’autres paniers eu osier : c’est ainsi qu’on transporte dans le