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Jusqu’à Ky-mi-ny, on remonte la vallée de So-tchen.

Ky-mi-ny, qui est également une petite ville de quatre mille âmes, construite dans les mêmes proportions et fortifiée, ne présente rien de remarquable, sinon qu’elle est bâtie sur les bords du fleuve Wen-ho, qui y vient de Suan-hoa-fou, et qui après avoir arrosé le nord de la province de Pe-tche-li, va se réunir près de Tien-tsin au Peï-ho dont il est l’affluent le plus considérable.

L’auberge de Ky-mi-ny est en dehors de la ville, entourée de beaux arbres, et bien aménagée ; l’intérieur de la cour y était couvert d’une grande tente en nattes qui donnait une délicieuse fraîcheur.

En sortant de Ky-mi-ny, on traverse une nouvelle chaîne de montagnes moins âpres et moins élevées que celles de Tcha-tao.

De grands arbres verts en garnissent toutes les arêtes, tandis que dans les gorges le vent du nord a accumulé jusqu’à plusieurs pieds d’épaisseur les sables blancs du désert de Goli : de loin, les collines semblent couvertes de grandes plaques de neige.

Plus on avance, plus le chemin devient accidenté : la vallée se resserre, et on entre dans un défilé à gauche duquel coule le fleuve Wen-ho profondément encaissé, tandis qu’à droite s’élève une colline à pic ; en certains endroits, la route est taillée en plein rocher, très-étroite, et presque impraticable pour les voitures.

Toutes ces collines et tous ces rochers qui encombrent le cours du Wen-ho sont couverts de belles fleurs écloses aux premiers souffles du printemps : les primevères blanches et pourpres, les pivoines sauvages, les althæas, et les saxifrages dont les hampes de fleurs roses s’élèvent comme des cierges dans les anfractuosités.

Dès qu’on a franchi ces défilés, l’étroit chemin se change en une large chaussée empierrée, plantée de grands arbres, et la plaine environnante est couverte d’une riche culture.

On y voit peu de villages, mais de toute part s’élèvent des fermes, dont les bâtiments sont entourés de vastes champs de céréales.

On y cultive le sorgho, dont les tiges semblables à de grands roseaux s’élèvent à deux ou trois mètres de haut, le tabac, le millet, le lin, le chanvre, le sésame, le blé et surtout beaucoup d’orge ; l’avoine paraît y être inconnue.

Porte du défilé de Tcha-tao. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Les champs sont encadrés de bordures de ricin dont l’huile est d’un si grand usage en Chine et même de plantes de coton herbacé ; ce coton, qui paraît appartenir à une espèce particulière, est cultivé en grand beaucoup plus au nord dans la Mandchourie, jusque par quarante-cinq degrés de latitude, et son introduction rendrait sans doute un grand service à l’industrie agricole de l’Europe tempérée.

Toutefois la sécheresse dont souffrent ordinairement les campagnes aux environs de Suan-hoa-fou les rend bien moins riches que celles situées au nord-est de Pékin dont nous avons déjà eu l’occasion de parler.

Les Chinois, ces patients et merveilleux agriculteurs, ont creusé à une grande profondeur dans les plaines de Suan-hoa une multitude de puits dont l’eau, amenée au moyen d’un système de leviers dans de vastes réservoirs, se déverse ensuite dans des rigoles qui sillonnent les champs dans toute leur étendue ; malheureusement, dans les grandes chaleurs les puits se dessèchent, ce qui n’a jamais lieu dans les vallées des fleuves, comme le Peï-ho, le Hoang-ho ou le Yang-tse-kiang.

Une heure environ avant d’arriver à Suan-hoa-fou, deux cavaliers accoururent à toute bride à la rencontre des voyageurs ; ils descendirent de cheval et mirent le genou en terre en signe de respect : c’étaient deux chrétiens chinois envoyés par les missionnaires pour faire honneur au ministre de France.

Cependant tout annonçait l’approche d’une grande ville, des maisons de campagne, des pagodes, des temples ; sur la route des mulets chargés de marchandises ; puis de temps en temps des citernes autour desquelles s’élevaient des tentes occupées par des colporteurs ambulants, ou des huttes en torchis dans lesquelles de vieilles femmes vendaient des rafraîchissements.


DE SOAN-HOA-FOU À LA GRANDE MURAILLE.

Entrée à Suan-hoa-fou. — Curiosité excessive de la population.-Bâtiments de la mission des lazaristes. — Hospitalité offerte par les missionnaires. — Les musulmans hoeï-hoeï. — Le parc impérial. — Énormes chiens mongols à la station de Sulia. — Dunes de sable. — La ville de Kalkan. — Réunion à l’hôtellerie des ministres de France, d’Angleterre et de Russie. — Réception splendide. — Promenade dans la ville. — Tartares. — Thibétains. — Turcomans. — Marchands d’habits chinois. — Grand commerce. — Description de Kalgan.

« À l’entrée de Suan-hoa-fou, nous avons été reçus par le chef des lazaristes et le pro-vicaire de la mission de Mongolie, venu exprès de Tsin-houang-tseu, ville de la frontière.