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Pont de bambous. — Dessin de M. de Molins.


VOYAGE À JAVA,

PAR M. DE MOLINS[1].


1858-1861. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.
(RÉDIGÉ ET MIS EN ORDRE PAR M. F. COPPÉE.)




BOGHOR (suite.)

Ascension du Salak. — Les jungles. — Le multipliant. — Le gamelhang. — Les Toppengs. — Le Toekan-Thlalong. — Le tremblement de terre. — La Sarbacane. — Les chasses et les combats d’animaux. — Histoire du singe et du serpent. — Nouvelle excursion dans l’intérieur. — Les Prehangans. — Les singes. — Le tandock. — Visite au docteur Ploëm. — Le bëo. — Les rassa-malah. — Les poisons. — Départ de Java.

Depuis mon arrivée à Boghor, je suis tourmenté d’un désir, celui de gravir le grand Salak, cette belle montagne dont les flancs couverts de verdure bornent l’horizon que je puis voir de ma fenêtre ; sans cesse mon imagination s’élance sous ces ombrages épais et dans les plis superbes des vallées et des collines étagées devant mes yeux.

M. Grenier, auquel j’ai fait part de mon intention, me trouve un compagnon de route, M. Abels, ex-employé du gouvernement, qui connaît à fond le pays et veut bien se charger de toutes les dispositions nécessaires à cette ascension, voitures, vivres, relais de chevaux de selle, coolies, etc.

Nous partons un lundi, à cinq heures du matin. La première partie de la route, qui devait se faire en voiture, se passe sans accident ; mais, quand nous arrivons au lieu où nous devons trouver nos premiers chevaux de selle, personne, pas le moindre quadrupède ! On délibère, et, comme toujours, les avis se partagent. M. Abels propose de retourner sur nos pas, et moi, au contraire, d’aller à pied jusqu’au deuxième relais. Il paraît que la chose est grave et que, si le deuxième relais nous manque, nous serons trop éloignés de notre point de départ comme de notre but, pour trouver un asile ; et puis, il n’est pas prudent de se promener ainsi à pied dans les forêts de Java. Cependant mon avis l’emporte et nous nous remettons en route ; j’ai pour toute arme un roting que je demande à un indigène et un vieux rasoir dont je me sers pour tailler mes crayons ; nous avons pris, pour porter mes cartons, nos vestes et nos provisions, deux coolies armés de sabres indiens, appelés goloks.

Nous traversons des forêts admirables ou le bambou joue un rôle important ; je n’en ai jamais vu d’aussi grands. Les terrains, parsemés de blocs de pierre recouverts de mousse, me rappellent les terrains des Cévennes ; mais la végétation du pays me remet bien vite à l’autre bout du monde.

Après trois heures de marche, nous arrivons à notre deuxième relais, où nous trouvons le Chinois qui nous

  1. Suite et fin. — Voy. p. 131, 241 et 257.