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pied du palais, des nains portent et déroulent devant lui de précieux tapis qui garantissent ses pieds du contact immonde de la terre, tandis que la foule accourue sur son passage se livre aux démonstrations les plus humbles ; on m’a également assuré qu’une des distinctions les plus recherchées est celle d’obtenir de l’empereur ou du sultan une prise de syri, et que celui qui la reçoit de la royale main la garde avec grand soin, s’en fait honneur comme les gens de cour européens de leurs rubans et de leurs tabatières, la place dans le plus beau de ses coffres, la transmet à ses héritiers directs, et que, bien longtemps après la mort du titulaire, on parle encore dans le pays de la faveur exceptionnelle dont il a été l’objet. Mais quoique tout me porte à croire à l’exactitude de ces détails, je ne les avance ici que sous réserves, bien décidé à ne raconter que ce que j’ai vu de mes propres yeux.

La princesse Saripa, de Djiokdjiokkarta. — Dessin de Bida.

Cette raison et d’autres encore m’empêcheront aussi d’examiner les causes qui ont décidé le gouvernement hollandais à maintenir ainsi deux puissants souverains, deux maîtres absolus, parmi ces populations indigènes pour lesquelles le moindre de leurs désirs est un ordre ; nous craindrions d’ailleurs de nous laisser entraîner à une polémique qui serait peut-être déplacée dans un travail tel que le nôtre. Mais ce que nous tenons à exprimer ici, c’est notre indignation à la pensée que des hommes, des souverains ayant charge d’âmes, ont réduit, au mépris de toute justice, d’autres hommes, leurs semblables, à l’état de valeurs commerciales, et les ont vendus à prix d’or à une poignée de marchands qui, grâce à cette infamie, trafiquent ainsi sans pudeur des consciences et des libertés. Oui, nous ne saurions trop flétrir les auteurs de cette injustice, et ceux qui en ont profité. Combien je préfère, à cette colonisation armée et mercantile, le système mis en pratique par d’autres peuples