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plus qu’une plaie, ne poussa pas une seule plainte, ne perdit pas connaissance, ne changea même pas de physionomie[1].

Ordinairement, après une fustigation, le malheureux condamné met du poivre frais sur ses blessures et prévient ainsi la gangrène par l’activité que ce remède héroïque donne à la circulation du sang : on m’assura du moins ce fait que je n’ai pu vérifier par mes yeux.

Le sultan de Djokojokkarta (Java) en petit costume. — Dessin de Bida.

Mais abrégeons ce pénible récit.

Il ne restait donc plus que les deux condamnés à mort. L’homme, dans un état complet d’insensibilité, fut amené à reculons jusqu’au pied de l’échelle, sur le premier échelon de laquelle était déjà le bourreau, tenant à la main une corde terminée d’un bout par une simple boucle et de l’autre par un nœud coulant : le bourreau gravit alors les degrés, suivi par quatre opazes qui portaient le condamné et il l’accrocha à l’une des chevilles, afin que fût exécuté à la lettre le texte du jugement qui ordonnait que le coupable fût pendu haut et court, jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Le malheureux mourut immédiatement. Quant à la femme, qui jusque-là avait fait bonne contenance, dès qu’elle fut au pied

  1. À propos de ce supplice, je veux citer un fait que le moindre commentaire affaiblirait certainement.

    Je vis une fois, dans le jardin d’une prison préventive, deux opazes qui s’exerçaient à couper, en trois coups de roting, des troncs de bananiers de vingt-cinq à trente centimètres de diamètre. Je demandai à un de ces hommes ce que lui avaient fait ces pauvres arbres pour leur faire subir un pareil traitement.

    « Rien, me répondit-il ; mais M. le commissaire nous donne une roupie chaque fois que nous coupons un bananier en trois coups… et c’est demain jour de fustigation. »