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ces dames franchissent le seuil, deux petites filles, jusqu’alors immobiles et comme au port d’arme, déroulent devant elles d’autres nattes pour garantir leurs pieds du contact de la terre (voy. p. 232).

On nous apporte des bananes ; on éventre devant nous des cocos dont on nous offre le lait, aussi mauvais à boire, à mon sens, que la partie solide de ce fruit est mauvaise à manger.

L’intérieur de la maison est vide ; rien d’autre que le bali-bali ; çà et là, des nattes tombant verticalement cachent les lits. La cuisine est installée de la manière la plus simple : un trou dans le sol et un trou correspondant dans le toit ; au mur, quelques poches de coco évidé et dont le manche est très-naïvement fixé avec une couture en roting ; sur l’âtre, un gros pot de terre et une cafetière noircie par l’usage. Inutile d’ajouter qu’ici on mange avec ses doigts et qu’une feuille de bananier sert d’assiette. N’importe ! nos hôtes sont charmants, et leur douce affabilité, leur empressement sans bassesse font un touchant contraste avec leurs visages noirs et leur évidente pauvreté. Mais est-on pauvre dans ce beau pays sans hiver ?

Intérieur du Kampong Djirouk-Maniss (Batavia). — Dessin de M. de Molins.

Quelques jours après, je prenais possession de ma nouvelle habitation, et, en en faisant le tour, je retrouvais derrière les palissades de bambou qui enclosent mon jardin (dans le kampong Djirouk-Maniss), la même végétation libre et puissante que j’étais allé chercher dans l’intérieur. Car ici, il n’y a pas d’intermédiaire entre la nature et la civilisation, et l’on rencontre, au centre de Batavia, le site agreste et sauvage à côté du parc anglais.


SOËRABAIJA.

La rade. — Le grand canal. — La ville européenne. — Le kakatoës et les oiseaux des Moluques. — Le quartier chinois. — Les cuisiniers ambulants. — Le marché couvert (Bazar Glapp). — Le quartier javanais. — Le cimetière javanais.

De Batavia, je me rendis par mer à Soërabaija (Sourabaya de nos géographes) où j’arrivai après une traversée de quatre jours pendant laquelle j’avais pu admirer les côtes que nous ne perdions presque pas de vue et les nombreux bâtiments caboteurs, arabes, malais et chinois, qui sillonnent en tous sens la mer de Java.

J’avais déjà été frappé, en arrivant à Batavia, des flotteurs de bambou adaptés à la coque des embarcations malaises ; j’en connais maintenant l’emploi qui est assez singulier. Non-seulement cet appendice sert à empêcher le bateau de chavirer, mais il permet de plus au patron de prendre dans sa voile infiniment plus de vent qu’il ne pourrait le faire sans cela. Par les brises les plus redoutables, le patron fait placer un, deux ou trois de ses hommes sur le flotteur au vent de la barque, maintenue par ce poids dans une position convenable.