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résolues. Suivant l’opinion la plus accréditée, ils seraient les descendants des anciens Tchinganes, originairement établis sur les bords de l’Indus, et qui furent forcés d’abandonner leur pays à l’époque de l’invasion de Tamerlan : leur physionomie, bien plus asiatique qu’européenne, et leur langage, qui contient un nombre assez considérable de mots dérivant du sanscrit, donnent une grande vraisemblance à cette hypothèse.

Le nom de bohémiens, qu’on donne chez nous à cette race étrange et mystérieuse, vient sans doute de ce que les premières bandes qui émigrèrent en France se fixèrent d’abord en Bohême. C’est principalement dans les Vosges, et dans quelques endroits du Languedoc et de la Provence qu’on en retrouve encore chez nous, presque tous vivant à l’état nomade ; leur nombre paraît avoir diminué d’une manière assez sensible, surtout dans le Midi. On les retrouve encore, sous différents noms, dans presque toutes les contrées de l’Europe : en Angleterre, où ils sont assez nombreux, et où ils exercent quelquefois la profession de boxeurs, on les appelle Gypsies, c’est-à-dire Égyptiens, à cause d’une ancienne colonie qu’on croit venue d’Égypte, il est probable que cette émigration aura stationné assez longtemps dans ce pays : on assure qu’eux-mêmes se considèrent comme originaires d’Égypte ; ils se donnent quelquefois entre eux le nom de pharaons.

Les Allemands les nomment zigeunes, les Suédois et les Danois Tartares, désignation qui tendrait à confirmer leur origine asiatique. Les Italiens et les Turcs les appellent zingari ou zingani, et enfin, comme nous l’avons vu, on les connaît généralement en Espagne sous le nom de gitanos ; quelquefois aussi on les désigne sous le nom de zincali : c’est le nom qu’ils se donnent ordinairement entre eux.

On a estimé entre six cent mille et un million le chiffre des bohémiens qui existent aujourd’hui en Europe : ils se trouvent en assez grand nombre en Hongrie, en Turquie et dans les provinces méridionales de la Russie ; mais leur plus grande colonie est sans aucun doute dans la Péninsule espagnole.

C’est dans la première moitié du quinzième siècle que les gitanos apparaissent pour la première fois en Espagne ; un auteur prétend qu’ils y seraient venus sous la conduite d’un certain Zingo, leur capitaine, qui leur aurait donné le nom de Zincali. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on a la preuve que dès le quinzième siècle ils étaient établis dans le pays : les rois catholiques Ferdinand et Isabelle, rendirent en 1499, à Medina del Campo, un édit contre eux dans lequel il leur était enjoint de résider dans certaines villes, sous peine d’être chassés du royaume dans un délai de soixante jours.

Don Carlos et dona Juana confirmèrent à Tolède, en 1539, l’édit de Medina del Campo, et ils y ajoutèrent un article portant que « si les Égyptiens, après l’expiration des soixante jours, étaient trouvés en état de vagabondage, ils seraient envoyés aux galères pour six ans. »

Paysans de Totana.

Philippe II fit publier à Madrid, en 1586, un édit qui confirmait ceux de ses prédécesseurs ; de plus, dans le but de restreindre les vols et les fourberies dont ils se rendaient constamment coupables, il leur était défendu de vendre aucune marchandise dans les foires et marchés, sans avoir obtenu une permission particulière, mentionnant le lieu de leur résidence ; faute de quoi, les objets mis en vente par eux étaient considérés comme ayant été volés, et devaient être confisqués.

Philippe III venait de priver son pays d’un million de sujets laborieux et industrieux, en expulsant, par un décret aussi barbare qu’impolitique, les Morisques éta-