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la modestie de ses prétentions ; d’autres nous proposaient, comme dans le détroit de la Sonde, des fruits, des perroquets et des singes ; quelques-uns, plus lestes encore que ces quadrumanes, escaladaient les murailles de notre navire et nous faisaient leurs offres de service, en essayant de se faire comprendre par une pantomime expressive. À mesure que l’heure avançait, le tapage augmentait avec le nombre toujours croissant des embarcations venues de la côte. Vers sept heures, il y avait à coup sûr autour de nous plus de bateaux qu’il n’en aurait fallu pour opérer le déchargement de dix navires comme le Nicolas, et peu s’en fallut que nous ne fussions envahis et débarqués de vive force. L’aspect de cette foule, dont les costumes étincelaient au soleil limpide et chaud des matinées équatoriales, m’aurait transporté de bonheur, sans l’arrivée à bord de trois Français habitant Batavia. C’étaient trois spectres, dont la pâleur cadavérique ne révélait que trop clairement les funestes influences du climat de Java sur les Européens. Leur vue, je l’avoue, diminua beaucoup mon enthousiasme.

Les arequiers. — Dessin de M. de Molins.

Ayant attendu que le désordre inséparable d’un débarquement se fût un peu calmé, je pus à mon tour prendre place sur une des embarcations qui nous assiégeaient, et bientôt, emporté par cinq vigoureux rameurs, je suivis du regard, tout pensif, le vaillant navire, qui des rives de la France m’avait porté sain et sauf à l’autre bout du monde, et qui en ce moment allait se perdre dans la foule des autres bâtiments.

Après avoir traversé la rade, nous nous engageâmes dans un long canal qui s’avance fort loin dans la mer entre deux jetées. Les nombreux bâtiments caboteurs, la foule bariolée de coolies, des Chinois, des Arabes