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lui semble, et le premier ministre ou le roi résume la question.

Dans les assemblées de province, c’est le premier commandant qui résume les débats et qui résout toutes choses sous sa responsabilité personnelle.

En sortant de la demeure du roi, chaque noble trouve au dehors une foule de clients qui l’attendent et auxquels il fait part des résolutions prises au palais. Second kabar, où chacun donne de nouveau son avis, discute, approuve ou combat.

Dans ce kabar, chaque client reçoit de ses patrons des conseils sur la ligne de conduite qu’il doit suivre pour travailler à la fortune de son chef ; c’est le kabar des petites intrigues ; l’esprit de parti vient y puiser des forces, le mot d’ordre pour agiter le peuple et diriger l’opinion publique.

À l’issue de ce kabar, les agents se répandent au dehors et se mêlent au peuple dans les cases ou sur les places publiques. La multitude discute alors en un troisième kabar toutes les nouvelles du jour ; ces assemblées leur tiennent lieu de la « presse » qu’ils n’ont pas, et l’on prétend que par ce moyen toutes les nouvelles circulent aussitôt avec la rapidité de l’éclair.

Les Ovas ont en outre les assemblées publiques du Champ de Mars.

Le code des lois ovas contient des articles qui peuvent intéresser les lecteurs ; nous en citerons quelques-uns.

ART. 1er. — Il y a peine de mort, vente des femmes et des enfants et confiscation des biens :

1o Pour la désertion à l’ennemi.

2o Pour celui qui cherchera à se procurer les femmes des princes et des ducs.

3o Pour celui qui cache une arme quelconque sous ses vêtements.

4o Pour celui qui fomente une révolution.

5o Pour celui qui entraîne des hommes en dehors du territoire ova.

6o Pour celui qui vole les cachets ou contrefait les signatures.

7o Pour qui découvre, fouille ou dénonce une mine d’or ou d’argent.

ART. 4. — Je n’ai d’ennemis que la famine ou les inondations, et, quand les digues d’une rizière seront brisées, si les avoisinants ne suffisent pas pour les réparer, le peuple devra donner la main pour en finir tout de suite.

ART. 6. — Celui qui, dans un procès, corrompt ou cherche à corrompre ses juges, perd son procès et est condamné à cinquante piastres d’amende ; s’il ne peut payer cette amende, il est vendu.

ART. 9. — Lorsque vous aurez donné à vos propres enfants ou à ceux que vous avez adoptés une partie de vos biens, et que plus tard vous avez à vous en plaindre, vous pourrez les déshériter et même les méconnaître.

ART. 17. — Si vous avez des peines et des chagrins, soit hommes, femmes ou enfants, faites-en part aux officiers et aux juges de votre village, pour que la confidence de vos peines ou de vos chagrins parvienne jusqu’à moi.

ART. 18. — Quand un homme ivre se battra avec le premier venu, lui dira des injures ou détériorera des objets qui ne lui appartiennent pas, liez-le, et, lorsqu’il aura recouvré la raison, déliez-le et faites-lui payer les dégâts qu’il aura commis.

ART. 21. — Soyez amis tous ensemble, aimez-vous les uns les autres, parce que je vous aime tous également et ne veux retirer l’amitié de personne.

ART. 26. — Celui qui aura des médicaments qui ne lui viendront pas de ses ancêtres, ordre de les jeter.

ART. 28. — Celui qui ne suivra pas mes lois, sera marqué au front et ne pourra pas porter les cheveux longs, ni aucune toile propre, ni le chapeau sur la tête.

ART. 29. — Tout homme non marié est déclaré mineur.

Il y a de tout dans ces lois. Le chrétien y trouve des maximes de sa religion mêlées à des maximes sauvages, et le dernier article peut fournir à l’homme politique un sérieux sujet de réflexion. Nous pourrions citer encore la coutume suivante qui fait loi à Madagascar. Les père et mère, à l’encontre de nos habitudes, prennent le nom de leur fils en le faisant précéder de Raini, père de ou de Reinéni, mère de… Il semble qu’il y ait, dans cet usage, un motif d’émulation entre les enfants, heureux de glorifier leurs parents par leurs actes : cela vaut mieux, en somme, que des enfants nuls, écrasés par la grandeur de leur naissance.

À Madagascar, tout appartient au roi. L’État craint tellement les empiétements des étrangers, qu’il leur défend d’élever des maisons de pierre et même de bois ; il ne leur tolère que des cases de roseaux, afin qu’ils aient toujours présent à l’esprit qu’ils ne sont que passagèrement établis sur le sol de l’île.

Les Malgaches traités en vaincus sont des esclaves que les gouverneurs de provinces, nommés par le roi, administrent comme bon leur semble. Ces commandants réunissent les trois pouvoirs, militaire, civil et judiciaire. Ils commandent les troupes, apaisent les révoltes et fixent le contingent que chaque famille doit fournir en cas de guerre.

Ils répartissent les impôts, les font percevoir, les expédient à la capitale et commandent les corvées. Le code pénal étant inconnu des Malgaches, les chefs ovas leur appliquent la loi selon leur bon plaisir ; ils les accusent, les jugent et les dépouillent ; dans son commandement le gouverneur n’a qu’un but : s’enrichir.

L’éloignement de la capitale rend toute réclamation vaine, et la terreur que ces despotes inspirent étouffe la voix des plus audacieux.

Le gouverneur de province reçoit ses ordres de la capitale, par des courriers établis en relais sur la route de Tananarive au chef-lieu de son commandement ; ces courriers, toujours Malgaches, sont placés sous la surveillance de quelques soldats ovas et doivent être prêts nuit et jour à transmettre les dépêches. Ils n’ont pour ce service ni solde, ni rémunération quelconque ; ils sont seulement exempts de la corvée.

Chaque village malgache a pour chef le descendant le plus direct de l’ancien roi du pays. C’est à cet homme que