Page:Le Tour du monde - 10.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lonté de Ranavalo, nul étranger ne peut posséder de terres à Madagascar, l’affaire fut faite de compte à demi entre M. Delastelle et la reine. La reine donna les terres, cinq cents esclaves et les matériaux ; M. Delastelle donna son temps et son industrie.

Un poste ova, commandé par un « douzième honneur », surveille la fabrication, la vente des produits et la conduite du maître ; c’est une surveillance incessante, une immixtion de tous les instants dans les moindres actions de Ferdinand, et le malheureux est plus esclave que le dernier de ses serviteurs.

L’établissement, situé au pied des premières collines, s’étend sur des terres élevées, à l’abri des débordements de la rivière. Il se compose d’une distillerie à vapeur, de vastes hangars pour la fabrication des futailles, d’ateliers de charpenterie et de serrurerie, d’une belle maison d’habitation et de nombreuses dépendances. Les esclaves habitent un village groupé tout auprès de l’établissement, et les cases des Ovas sont voisines, de manière que rien ne puisse échapper à ces jaloux surveillants.

Guerrier malgache. — Dessin de Gérôme.

Ferdinand nous conduisit sur la hauteur voisine, où s’élève le tombeau de M. Delastelle, pieux hommage rendu à la mémoire de ce grand citoyen par Juliette Fiche, son amie. Il repose à l’ombre des orangers et des citronniers en fleurs, sur le sol d’une contrée qu’il s’est efforcé de civiliser et qu’il a dotée tout du moins de nombreux établissements de commerce et de trois usines en voie de prospérité.

La vue qui se développait à nos yeux ne manquait pas d’une grandeur sauvage ; à l’est, la mer se brisait, blanche d’écume, sur les sables qu’elle amoncelle ; au sud, les lacs brillaient comme des miroirs d’acier, et l’œil, en suivant le cours sinueux de l’Yvondrou, re-