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et malgré sa paresse de nègre et le peu d’encouragement donné à ses efforts, la côte est, dans un rayon de cent lieues, de Mananzari dans le sud, à Maranzet dans le nord, exporte quatre mille trois cents tonneaux de riz. Nous dirons en parlant des Ovas quels sont les produits naturels livrés au commerce et les règlements qui en prohibent l’échange.

Village de Nossi-Malaza. — Dessin de E. de Bérard.

En fait de mœurs, le Malgache n’en a point ; il est naïvement immoral…

Chez lui, les unions se brisent et se nouent selon le bon plaisir de l’homme ; l’état civil n’existant pas et le culte se bornant à quelques rares superstitions, l’on ne saurait appliquer le nom de mariage à des associations volontaires que ne consacrent ni Dieu ni l’État.

Dans le nord, l’Arabe a laissé quelque chose de ses mœurs ; l’instinct religieux s’y retrouve aussi plus développé.

Chez ces insulaires la pluralité des femmes est une loi fondamentale ; chaque chef en à trois au moins, c’est : 1o La vadé-bé, épouse légitime, dont les enfants héritent ; 2o La vadé-massaye, femme jeune, que le Malgache répudie aussitôt que sa beauté disparaît ; 3o La vadé-sindrangnon, esclave à laquelle on donne la liberté lorsqu’elle est devenue mère.

Les sœurs cadettes de ces trois femmes appartiennent de droit à l’époux jusqu’à ce qu’elles soient mariées.

Si la femme passe d’un toit à l’autre, les enfants restent, et la nouvelle épouse les chérit et les aime comme les siens propres ; la chose paraît naturelle dans un pays où souvent l’adoption remplace la paternité ; là point de jalousie, point de discussions religieuses, point de sectes ; peu ou point de discussions intestines pour l’héritage : on n’a rien à partager. Cet état de choses, l’affection constante qui réunit ces braves gens entre eux dans des conditions monstrueuses pour nous, tient à une grande douceur de caractère, à quelque impérieux besoin d’affection ; et si leurs rapports sont exempts des vives démonstrations qui accompagnent chez nous l’amour maternel, nous le répétons, les sentiments de la famille n’y sont pas moins vifs. Nous vîmes une femme croyant sa fille adoptive empoisonnée par des fruits de tanghin, se livrer à la douleur la plus violente et se jeter sur les fruits, s’écriant qu’elle voulait mourir avec son enfant.

D. Charnay.

(La suite à la prochaine livraison.)