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Dès le seuil, on se sent envahi par une odeur de réfectoire nauséabonde : on s’engage dans un long couloir blanchi à la chaux, humide, à voûte basse où il ne fait ni jour ni nuit : les portes des deux côtés ne laissent entrevoir que cuisines noires et salles à manger nues ou vont et viennent un assez grand nombre de serviteurs et de servantes, bonnes gens qui, certes, ne tiennent pas à l’élégance. De vieilles cloches tintent sourdement de temps à autre ; elles semblent continuer, par habitude, leur office religieux et appeler leurs anciens maîtres à l’Angélus ou à Matines. Plus on avance, plus on se sent tout à la fois refroidi et étouffé. On arrive entre des cellules converties en chambrettes, où l’on peut loger, dit-on, jusqu’à trois cents personnes. Ce sont de vrais malades qui, aux portes de ces petits cachots, apparaissent comme des ombres maigres, pâles, claudicantes, avec un air peiné d’être vues. Il n’y a pas là de quoi rire. À Hof-Ragaz, on vient plutôt, je crois bien, chercher le repos, jouir de la pureté de l’atmosphère et de la beauté du site, que faire des cures sérieuses : on s’y baigne… préventivement pour s’y « vivifier. » Mais, âmes sensibles, n’interrogez aucun des hôtes du couvent de Pfäfers sur sa santé : il vous répondrait inévitablement : Dyscrasie, adynamie, cardialgie, pyrosie, pléthore, hypocondrie, dysménorrhée, aménorrhée, exanthèmes, pityriase, à peu près tous les maux de la pauvre humanité ! Celui qui souffre très-réellement s’inquiète peu de la beauté des paysages, évite la société des gens heureux de Ragaz, brave l’ennui, et se met en retraite au plus près des sources.

L’ancien couvent de Pfäfers, vu du chemin de Ragaz.

Pour visiter ces sources fameuses, il faut un billet d’un franc et un guide.