RAGAZ ET PFÄFERS
I
Ragaz n’occupe pas une grande place sur la carte de notre globe. Ce n’est qu’un petit village de la Suisse allemande, dans le canton de Saint-Gall. Mais qu’il est agréablement situé, et sage, et heureux ! Que je voudrais vous voir jouir d’autant d’aisance, d’instruction, de liberté, chers villages de ma Bourgogne ! Combien votre vie est dure en comparaison, ô mes compatriotes ! Quelles privations, quels labeurs continuels ! Votre sol n’est cependant pas moins fertile. Quelle rudesse aussi dans vos divertissements ! Quelle obscurité dans vos esprits, souvent même sur ce qui touche le plus à vos intérêts matériels ! Que vous avez de peine à vous dégager de préjugés d’un autre âge, à mieux comprendre votre temps et tout ce qui vous entoure, à entrer en plus grande possession de vous-mêmes, à vous délier de l’habitude d’être administrés en mineurs, en pupilles, de loin, par des concitoyens inconnus ! Personne, certes, ne sait et n’apprécie mieux que moi, qui ai eu l’honneur d’être votre représentant, ce qu’il y a de vertus en germe au fond de vos cœurs, de promesses dans l’énergie de votre bon sens. Vous aimez la patrie, l’égalité, la justice. Vous ne serez pas toujours si accablés par le travail quotidien, si opprimés par l’ignorance. Qui pourrait se refuser à le croire ? Je regrette et m’afflige
- ↑ Tous les dessins de cette livraison ont été exécutés par M. Karl Girardet.