Page:Le Tour du monde - 09.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La position de Tien-Tsin sur le grand canal a été la source de sa longue prospérité.

Aujourd’hui, cette ville est triste et peu animée, quoiqu’elle contienne une population de cinq cent mille âmes ; les rues en sont plus larges et mieux percées que celles des villes du sud, mais les maisons sont basses, d’un aspect misérable et construites pour la plupart en terre et en torchis. Elle ne contient aucun monument remarquable, sauf quelques beaux yamouns situés sur le bord de la rivière, et une pagode très-ancienne, dite pagode des supplices, qui mérite par la bizarrerie de son ornementation une description particulière.

On y voit une suite de statues en bois peint et doré, presque de grandeur naturelle, qui figurent tous les genres de supplices infligés en enfer en punition des crimes commis ici-bas.

Le premier groupe représente un paysage : c’est un énorme rocher hérissé de pointes de fer, du haut duquel sont précipitées de petites figurines ; dans leur chute, elles tombent sur les pointes qui les mettent en pièces. C’est le châtiment des ambitieux et des orgueilleux.

Dans le second groupe, on voit un homme tout nu pressé entre deux planches : des bourreaux sont occupés à le scier méthodiquement de bout en bout. C’est le supplice du parricide.

Dans le troisième est une femme également nue et attachée à un poteau : on lui arrache les entrailles, et on les remplace par des charbons ardents, après quoi on lui recoud le ventre. C’est une femme adultère.

Puis viennent : un homme auquel on perce la langue ; mensonge et abus de la parole ; un autre écorché vif ; trahison ; une femme plongée dans l’huile bouillante ; empoisonnement ; enfin un mandarin broyé par une roue en fer, tandis que les chiens avides se pressent au bas de l’instrument du supplice pour lécher le sang, et dévorer les morceaux pantelants de la victime ; incendie volontaire.

Pagode des supplices infernaux à Tien-Tsin. — Supplice des incendiaires. — Dessin de E. Bayard d’après un croquis de M. Trèves, lieutenant de vaisseau.

Le dernier groupe présente un mécanisme ingénieux. Sur une planche qui a un mouvement horizontal, est couché un supplicié débité en morceaux par un grand couteau qui le tranche régulièrement en s’abattant sur lui de haut en bas. C’est la punition des voleurs de grand chemin. Toutes ces horribles marionnettes sont montées avec art, et ne laissent pas que d’être effrayantes, malgré leur côté grotesque.

Les supplices inventés par les Chinois sont épouvantables, et l’artiste qui les a figurés n’a fait que les interpréter au point de vue des bonzes[1].

Autour des groupes sont placées les statues des dieux vengeurs de l’enfer qui président à ces tourments avec d’affreuses grimaces.

Enfin on trouve aussi dans cette pagode un grand

  1. Prêtres de Bouddha.