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malheur qui l’a séparée de tous les siens. Peut-être même aime-t-elle mieux la douceur avec laquelle on la traite ici, que la servitude qui l’attendait au sein de sa famille.

« J’exige qu’elle cesse de se martyriser les pieds, mais elle est moins docile sur ce sujet que sur les autres ; une mode bizarre et cruelle est la seule chose pour laquelle elle ait manifesté clairement sa volonté. Ses pieds ne sont pas encore tout à fait déformés, et ils reprendront leur forme naturelle ; cependant, quand on défait les bandelettes qui les compriment, elle a bien soin de les replacer la nuit.

« … Ma jeune Chinoise se civilise tout a fait ; j’en ai fait une chrétienne, et j’ai été sa marraine ; désormais elle s’appellera Catherine, et c’est sous ce nom que je l’envoie à l’évêque de Shang-haï, qui fera continuer son éducation dans la maison catholique placée sous sa haute surveillance. »

La ville de Tien-Tsin, est naturellement divisée en trois parties par le Peï-ho et le canal Impérial.

Sur la rive sud du fleuve est située la ville murée qui est bordée à l’est par le canal ; au delà du canal et sur le même côté du Peï-ho, est un grand faubourg très-commerçant, relié à la ville par un pont de bateaux : c’est le centre des affaires et l’entrepôt de toutes les marchandises de transit.

Pagode des supplices infernaux. — Supplice des parricides. — Dessin de E. Bayard d’après M. Trèves, lieutenant de vaisseau.

Au nord du Peï-ho, se trouve un autre faubourg planté de vastes jardins, qu’on peut appeler la ville officielle : c’est là que sont situés les yamouns des légations de France et d’Angleterre, du préfet et des mandarins supérieurs, et enfin le palais Impérial, où a été signé le premier traité conclu à Tien-Tsin en 1858. Il a été cédé, le 21 décembre 1861, sur la demande du ministre de France, aux lazaristes et aux sœurs de charité qui y ont établi une mission (voy. p. 97).

Le Peï-ho qui coule dans la direction du sud-est fait un coude au centre de la ville, où vient déboucher le canal Impérial alimenté par ses eaux ; leur réunion forme un vaste port couvert de bâtiments et de bateaux de toute grandeur qui y arrivent des provinces du centre de la Chine par le Hoang-ho, et le Jang-tse-kiang. Cet admirable ouvrage d’art traverse une grande partie de l’Empire du Milieu : il commence à Hang-Tcheou, capitale de la province de Tche-Kiang, au sud de Shang-haï, passe dans tous les centres populeux du Kiang-Sou, du Chan-Toung et du Pe-tche-li, et vient aboutir au Peï-ho à Tien-Tsin ; de Tien-Tsin, un autre canal transporte les marchandises à Pékin.

Le canal Impérial est fortement encaissé, et endigué dans des quais en pierre de taille ; il est large de cent mètres au moins, et assez profond pour permettre la navigation à des bâtiments d’un fort tonnage. Les travaux gigantesques de canalisation accomplis par les Chinois ont excité à juste titre l’admiration des voyageurs.