Dès qu’on a franchi la barre, on aperçoit sur la côte sud la ville assez importante de Ta-Kou, avec ses forts célèbres qui dominent chaque côté du fleuve, et qui étaient alors occupés par des garnisons de l’armée alliée.
C’est à quelque distance de le rive septentrionale que se trouve la ville de Peh-Tang, où avait débarqué, trois mois avant, l’armée anglo-française, afin de tourner par terre ces redoutables fortifications qui avaient fait subir à la flotte un sanglant échec l’année précédente.
Je rapporterai à ce sujet un épisode dramatique que je dois à M. le capitaine du génie Bouvier :
« Lorsque les premiers détachements escaladèrent les murailles de Peh-Tang, je trouvai, dit-il, la ville complétement abandonnée par la population.
« Des pillards Sikes[1] furetaient déjà dans les maisons : j’entendis des cris affreux poussés dans un assez vaste édifice qui semblait être la demeure d’un mandarin : j’y entrai, et voici le spectacle qui frappa mes yeux :
« Une bande de vieilles femmes poussait des hurlements à l’aspect des cavaliers qui avaient brisé les portes, et défendaient en grimaçant l’approche de grandes jarres en terre cuite qui servent ordinairement à contenir de l’eau : dans ces jarres étaient plongés la tête la première et les jambes en l’air les cadavres de malheureuses jeunes femmes ! Dans chaque jarre, il y avait un cadavre ! La jalousie de ceux des Chinois qui n’avaient pu emmener avec eux ces infortunées créatures, avait trouvé ce moyen épouvantable de les dérober aux insultes des vainqueurs !
« Quelles n’avaient pas dû être leurs souffrances ! être plongées toutes vivantes et lentement suffoquées dans un vase étroit où leurs corps n’avaient pu passer
- ↑ Cavalerie auxiliaire de l’Inde anglaise.