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brillants costumes, haranguaient les jeunes guerriers, tandis qu’une vingtaine de braves adolescents, sans autre vêtement qu’une épaisse couche de vermillon ou d’ocre, faisaient caracoler leurs chevaux et exécutaient mille fantasias. Les chevaux, généralement peints en jaune, en rouge et en blanc, avaient leur longue queue ornée de plumes aux couleurs brillantes.

Une immense tente, formée de cinq ou six loges de peaux de bison était dressée au milieu du camp ; les chefs et les principaux guerriers formaient un cercle au milieu duquel se tenaient l’agent, le gouverneur du fort et ses interprètes.

Selon l’usage indien, le plus grand chef alluma le calumet de la paix, une magnifique pipe de pierre rouge, dont le tuyau, long d’un mètre, est orné de plumes de toutes couleurs.

Après avoir offert quelques bouffées de fumée au grand Manitou et au mauvais esprit, il présente la pipe à l’agent, qui, ayant aspiré les trois bouffées d’usage, la fait circuler et annonce aux Indiens qu’il est chargé par leur grand-père[1] de leur distribuer les présents annuels. À peine son discours est-il interprété, qu’un des chefs les plus braves, le Petit-Ours, se lève et fait une longue harangue dont rien ne saurait rendre la véhémence. Sa physionomie, ses mouvements, ses moindres gestes, tout en lui parlait avec tant d’expression et d’énergie, que, sans comprendre un seul mot de la langue sioux, il nous fut facile de deviner une partie de son discours.

Dessins et hiéroglyphes indiens.

Il refusait avec indignation les présents du gouvernement américain : « Sommes-nous des chiens, pour qu’on nous jette les restes dont on ne veut plus ? Si notre grand père est si riche et si puissant, qu’il nous envoie cent bateaux chargés de marchandises et de munitions, car il nous faut de la poudre et des balles en grande quantité, et ce que vous en distribuez tiendrait dans le creux de la main. Voilà assez longtemps que vous vivez avec les femmes de notre tribu ; nous voulons à notre tour mille jeunes filles vierges et à peau blanche… Pour moi, je retourne dans les montagnes Noires ; gardez vos présents pour les femmes et les enfants. »

Puis, sans donner aux blancs la poignée de main d’usage, le Petit-Ours se retire, majestueusement drapé dans son manteau de fourrures. Cependant les jeunes gens chargés de la cuisine avaient apporté une immense marmite remplie de café, ou plutôt d’eau chaude légèrement colorée et sucrée avec de la mélasse, un baril de biscuit, et assez de bouillie de maïs pour rassasier les deux cents Indiens qui assistaient au festin.

Tout autour de la tente du conseil, les femmes et

  1. Le président des États-Unis.