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celle de la chapelle Saint-Maurice aux galeries que l’on rencontre partout. Les époques et les écoles y sont mêlées. On est sans doute à la veille de quelque distribution de prix : presque tous les tableaux sont cachés par des dessins d’élèves suspendus à des cordes. Je remarque toutefois deux saintes Marie-Madeleine et Lucie, par Michel Vohlgemuth, qui me charment ; deux portraits (de Charlemagne et de Sigismond), un saint Jean et un saint Pierre, attribués à Albert Dürer ; un Repas, donné en 1649 à l’hôtel de ville de Nuremberg par le comte palatin Charles-Gustave ; une Mort de Lucrèce, par Aldegrever ; un portrait de Femme, par Hans Holbein, le jeune ; un portrait de Melanchton, par Lucas Cranach.




La Pegnitz. — Dessin de Thérond d’après une photographie.


21 septembre.

Le musée Germanique m’a surpris : j’ajouterai que j’ai ressenti quelque honte de ma surprise. C’est un de ces établissements de premier ordre dont il n’est presque pas permis d’ignorer la création. Le plan de celui-ci a été proposé par une assemblée d’historiens et d’antiquaires réunis à Dresde en 1852 ; il a été adopté en 1853 par la Diète de Francfort. Il ne s’agit donc de rien moins que d’une institution nationale, fondée, soutenue, protégée par toute la Confédération germanique. On se propose d’y réunir, sans limites, les œuvres allemandes de tous les temps qui peuvent servir à éclairer et à étudier l’ancienne histoire de la vie publique et de la vie privée des Allemands : sculptures, tableaux, orfévrerie, ameublements, armes, instruments d’art et de science, médailles, cartes, manuscrits, livres, en un mot les témoignages du passé national quels qu’ils soient. Les premiers objets réunis étaient contenus à l’aise dans une maison de Panierplatz (voy. p. 17). Aujourd’hui la collection emplit rapidement tout l’espace de l’ancien cloître des Chartreux de Marienzell (cella beatæ Mariæ), au nord de la Pegnitz. Les dons des particuliers, des princes et des rois affluent ; les acquisitions ne se ralentissent point ; on se procure les copies des œuvres dont il est impossible de se promettre les originaux ; on fait rechercher par correspondance les objets d’origine allemande jusque dans les pays les plus éloignés ; bien plus, un conseil et un journal spécial dirigent toutes ces recherches, constatent les progrès et en signalent la valeur au public. Le catalogue de ce musée est déjà un gros livre. Comment pourrais-je apprécier au passage tant de richesses ? Je les traverse, en gémissant sur la rapidité des jours ; j’effleure du regard ces vieux troncs d’arbres coupés en deux qui servaient de cercueils aux vieux Germains (todtenbaüm), cette chambre pleine d’instruments de torture enlevés aux Rathhaus : lits de fer bardés d’aiguillons, assommoirs à pointes, chevalets, ceps, tenailles à dents et le reste ; des costumes complets et amusants de femmes de différentes époques, les ustensiles de ménages riches et pauvres, les armes et les luths, les portraits historiques, et notamment celui de Maximilien Ier par Albert Dürer ; mille curiosités, qui toutes concourent à ressusciter la vieille Allemagne. De salle en salle, j’entre dans la bibliothèque ; je m’arrête devant les nombreuses petites brochures de Hans Sachs, j’écoute avec plaisir et profit les explications du plus complaisant des bibliothécaires ; mais l’heure de la clôture sonne : j’ai passé dans ce cloître plus d’une demi-journée, semblable à un éclair qui dans la nuit allume le désir du voyageur et ne lui laisse qu’un regret.




Ce matin, le jeune Anglais déjeune seul. Il est à ma droite : deux ou trois chaises vides nous séparent. À ma gauche, deux dames allemandes commentent une nouvelle qui agite pour le moment l’hôtel Galimberti. — Le gouverneur est parti subitement pour Munich ! reviendra-t-il ? a-t-il abandonné ce jeune homme ? — Les da-