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Il y avait donc des artistes à Pompéi, mais il y avait surtout des artisans ; les foulons, souvent désignés dans les inscriptions, devaient être les plus nombreux ; ils formaient une corporation respectable. On a découvert leur manufacture (la Fullonica).

Le plus grand nombre des boutiques dont on a pu préciser la destination étaient des dépôts et des débits de comestibles. Le marchand d’huile de la rue qui mène à l’Odéon se faisait remarquer entre tous par la beauté de son comptoir couvert d’une table de cipollin et de marbre gris, revêtue extérieurement d’une plaque ronde de porphyre entre deux rosettes. Huit vases d’argile contenant des olives encore molles et pâteuses et de l’huile épaissie ont été retrouvés chez ce luxueux épicier.

Les thermopoles étaient aussi très-nombreux. C’étaient les cafés de l’ancien monde : on y vendait des boissons chaudes, du vin cuit et parfumé.

Outre les thermopeles, il y avait les œnopoles, répondant exactement à nos cabarets, puis les popina, qui devaient ressembler à nos gargotes : on y mangeait les restes des sacrifices, vendus par les prêtres aux petits traiteurs.

Les boulangeries ne manquent pas à Pompéi. La plus complète est dans la rue d’Herculanum, où elle remplit toute une maison dont la cour intérieure est occupée par quatre moulins, dont la meule était tournée au moyen d’un appareil en bois mû par un homme ou par un âne. Le grain s’écrasait entre les deux pierres, patriarcalement.

Récemment, dans les dernières fouilles, M. Fiorelli rencontra un four si hermétiquement fermé, qu’il n’y était pas entré un grain de cendre ; en revanche, quatre vingt-un pains un peu rassis, mais entiers, durs et noirs s’y trouvaient rangés dans l’ordre où ils avaient été placés le 23 novembre 79. Ravi de cette trouvaille, il entra lui-même dans le four et sortit de sa main les précieuses reliques (voy. p. 393). Les pains pèsent, pour la plupart, une livre environ (le plus lourd 1 204 grammes) ; ils sont ronds, déprimés au centre, relevés au bord et partagés en huit lobes ; on en pétrit encore en Sicile d’exactement pareils ; le professeur de Luca les a pesés et analysés minutieusement dans une lettre adressée à notre Académie des sciences.

Figurons-nous maintenant toutes ces boutiques, tous ces ateliers ouverts et garnis, les étalages, les acheteurs, les marchands, les passants, le tapage méridional ; la rue n’est plus si morte. Les étages supérieurs, aujourd’hui croulés, étaient en communication avec la rue ; des fenêtres s’y ouvraient discrètement, qui devaient encadrer çà et là quelque tête brune jalouse de voir et d’être vue ; les dernières fouilles ont révélé l’existence de balcons suspendus et couverts, longs corridors extérieurs percés de croisées qui réapparaissent souvent dans les peintures (voy. p. 392) ; la Pompéienne devait s’y installer souvent pour prendre part à la vie du dehors. La ménagère d’autrefois, comme celle d’aujourd’hui, tendait de là-haut son panier au marchand ambulant qui promenait sa boutique portative. Ainsi repeuplée, la ruelle d’autrefois était plus gaie que les nôtres, et les maisons peintes, les murs bariolés, les monuments, les fontaines animaient vivement le tableau, trop éclatant pour nos yeux.

Ces fontaines, fort simples, se composaient de grands bassins carrés, formés de cinq pierres, une pour le fond, quatre pour les rebords, tenant l’une à l’autre par des crampons de fer.

Outre les fontaines, les affiches égayaient les rues ; les murs en étaient couverts, et çà et là quelques parois blanchies servaient aux avis qu’on prodiguait au public. Y peignait qui voulait en lettres rouges, effilées et maigres tout ce que nous imprimons aujourd’hui à la quatrième et même aux autres pages de nos journaux. Rien de plus curieux que ces inscriptions qui nous montrent toutes les préoccupations de la petite ville.

C’est tantôt une élection, tantôt un groupe de citoyens, une corporation d’artisans ou de marchands, qui recommandent pour l’édilité, pour le duumvirat, le candidat qu’ils préfèrent.

Quelques annonces nous donnent le programme des spectacles de l’amphithéâtre : Telle troupe de gladiateurs combattra tel jour ; il y aura des chasses et des tentes, voire des aspersions d’eau parfumée pour rafraîchir les spectateurs (venatio, vela, sparsiones). Trente paires de gladiateurs ensanglanteront l’amphithéâtre. Ou bien les affiches indiquaient des appartements à louer. « Dans les propriétés de Julia Félix, fille de Spurius, se louent un bain, un vénéreum, neuf cents boutiques (tabernæ), des terrasses (pergulæ) et des chambres aux étages supérieurs, du 14 au 20 juillet, pour cinq années consécutives. »

Quelques inscriptions peintes ou marquées à la pointe étaient des boutades ou des exclamations de passants facétieux. L’une disait : « Oppius, le portefaix, est un voleur, un filou ! » Sur un mur de la rue de Mercure, une feuille de lierre, formant un cœur, enfermait le doux nom de Psyché. Ailleurs, un plaisant avait annoncé, parodiant le style lapidaire, que sous le consulat de L. Nonius Asprenas et d’A. Plotius, il lui était né un ânon. Ailleurs (dans la rue des Théâtres), on lisait ceci : « Un pot à vins a été perdu, celui qui le rapportera aura telle récompense de la part de Varius ; mais celui qui ramènera le voleur aura le double. »

Enfin, d’autres inscriptions étaient des avertissements donnés aux passants pour la propreté des rues, et rappelant en termes plus précis le Commit no nuisance ou la Défense que nous affichons aujourd’hui dans la même intention.


IV

LES THERMES. — LA MAISON.

Les bains : le tépidarium. — La maison. — Les cours : atrium et péristyle. — Les portes. — Les chambres à coucher. — La salle à manger. — La cuisine. — Le mobilier.

Pompéi, ou du moins la partie de Pompéi qui est découverte, possédait deux maisons de bains publics. La plus importante (les thermes Stabiennes) était très-vaste et contenait toutes sortes de pièces, de cabinets, de bassins