que les Turcs vivent aux dépens des silos à demi vides, les pauvres paysans en sont réduits à se nourrir de racines et de fruits. De plus, les chefs de villages se font l’un à l’autre une guerre acharnée.
Une nouvelle et longue série d’étapes à travers ce pays livré au pillage des brigands du nord qui usurpent le nom de négociants, nous amena le 15 février au matin à Gondokoro (lat. nord 4° 54’ 5”, long. est 31° 46’ 9”), où Mohamed, après une salve nous a conduits immédiatement chez un négociant circadien nommé Kurshid Aghar. Nos premières questions eurent naturellement trait à Pétherick ; on y répondit d’abord par un silence dont le sens nous échappait ; mais nous apprîmes à la longue que nous étions redevables à M. Debono, et à personne autre, de l’assistance qui nous avait été donnée à partir du Madi. Remerciant à la hâte l’ami de Mohamed qui était aussi le représentant de notre bienfaiteur, nous prîmes congé de lui pour aller à la recherche de Pétherick. Au bord du fleuve où plusieurs navires étaient amarres, nous vîmes accourir de loin un personnage, qu’au premier coup d’œil nous supposâmes être celui que nous cherchions ; mais l’instant d’après, je fus désabusé par la cordiale poignée de main de mon vieil ami Baker, qui doit une certaine célébrité à ses chasses dans l’île de Ceylan. Je ne saurais rendre les émotions d’une pareille rencontre : on a les mots sur les lèvres, et cependant on ne peut parler. Ce fut seulement un peu plus tard que, profitant de sa bonne hospitalité, nous apprîmes de lui, tout à loisir, ce qui s’était passé pendant notre longue absence, entre autres la terrible guerre d’Amérique et la mort du prince Albert, à qui sir Roderick Murchison m’avait présenté, peu de jours avant mon départ pour l’Afrique, et dont je me rappelais mot pour mot les flatteurs encouragements.
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Baker nous apprit aussi qu’il avait emmené trois bâtiments — un Dyabir et deux Nuggers — avec des équipages bien armés, des chameaux, des chevaux, des ânes, des verroteries, du fil d’archal, bref, tout ce qui était nécessaire pour un long voyage ; et ceci, dans le but exprès de contribuer à notre salut :
« Vous me désappointez, ajoutait-il en riant ; car j’espérais vous trouver sous l’équateur aux prises avec quelque situation terrible, dont je vous aurais aidé à sortir. »
Instruit du prochain retour de Mohamed, il l’attendait. pour associer à sa fortune ceux des naturels qui auraient à s’en retourner dans leurs foyers. Trois dames hollandaises[1], obéissant à la même pensée philanthropique, étaient également arrivées ici sur un bateau à vapeur ; mais le mauvais état de leur santé les avait obligées de rétrograder jusques à Karthoum. Personne, au reste, n’avait supposé possible le voyage que nous venions d’accomplir. Mais Pétherick, qu’était-il devenu ? Il tra-
- ↑ Les dames de Tinné. L’une d’elles, dit-on, vient de mourir.