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et les habitants de Tura s’apprêtaient à se défendre ; sur quoi les Arabes furieux, après avoir enlevé le village, portent la dévastation et la mort dans tout le district. Tandis qu’ils expédient vers Kaseh les femmes, les enfants, le bétail dont ils se sont emparés, Manua Séra gagne un district appelé Dara, et s’alliant au chef du pays (Kifunja), proclame bien haut son intention de se porter sur Kaseh, dès le début de la saison des voyages, alors que cette ville est privée d’une portion de ses défenseurs par la dispersion des trafiquants qui vont alors à la recherche de l’ivoire.

La ville entière est sur pied, et les Arabes en masse viennent solliciter mes conseils. Ils condamnent la conduite de Snay et me conjurent de me porter médiateur entre eux et Manua Séra. Je ne demanderais certainement pas mieux que de leur rendre ce service ; mais au point où en sont les choses, je ne leur cache pas que mon intervention me semble inutile. « C’est contre mon gré que Snay a pris les armes ; il n’est plus temps de le rappeler, et à moins que les Arabes ne soient unanimes, je ne saurais accepter une mission qu’il me serait impossible de mener à terme. » Ils répondent que la majorité de leurs compatriotes est encore à Kaseh, que tous veulent la paix à tout prix et que les conditions fixées par moi seront acceptées sans réserve. Leur insistance ne me laisse d’autre alternative que d’envoyer à Musa une ambassade pour l’informer de ce qui se passe et pressentir ses intentions à ce sujet. Nos quatre messagers (deux de mes gens et deux esclaves de Musa) reviennent sans avoir pu joindre le chef fugitif, qui va sans cesse d’un endroit à l’autre, pourchassé, traqué par les roitelets du pays, dont sa petite bande vide les greniers et sur la tête desquels elle attire par sa présence toute sorte de calamités. Ainsi avorte notre second essai de pacification. Musa ne le regrette pas autrement : « Manua Séra, dit-il, n’aurait jamais voulu croire au serment des Arabes, eussent-ils « mêlé leur sang au sien. » Cérémonie qui se pratique, dans les occasions les plus solennelles, au moyen d’une incision sur la jambe des deux parties contractantes.

Fabrication de la bière dans l’Ounyamouézi. — Dessin de Émile Bayard.

Du 18 au 25 février. — N’ayant plus rien à faire d’essentiel, nous partons Grant et moi pour la chasse. On nous promet que nous rencontrerons, sur la rive gauche du Nullah-Walé, à quelque distance d’ici, l’antilope noire et le blanc-bock, dont je n’ai pas encore d’échantillons. Malheureusement nous étions dans une région marécageuse, où mon compagnon prit une grosse fièvre qui l’empêchait de sortir. Quant à moi, bien que je fusse dans la boue jusqu’à mi-corps pendant une bonne partie de la journée, je ne vis qu’une antilope noire, et sur sept blanc-bocks que j’avais blessés, un seul me resta. Encore ne l’aurais-je pas eu sans quelques lions qui le poussèrent du côté de notre camp et dont les rugissements nous donnèrent l’éveil. Dès la pointe du