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voyageurs futurs, par des prodigalités dont s’autoriseraient plus tard ces hobereaux de race noire. Je cherche en vain la rivière Mukondokua dont on m’avait parlé dans le cours de la première expédition comme venant se joindre à la Kingani, dans le voisinage de Sagéséra. M. le Trou, qui ne voyage guère, ne peut me donner aucuns renseignements à cet égard. À part la Kingani, nulle autre rivière ne lui est personnellement connue, si ce n’est le Vouami, qui traverse l’Ouzégura et dont l’embouchure se trouve à Outondué, entre les ports de Whindi et de Saadani.

Pour mettre un terme aux désertions des hommes du sultan Majid, j’ai vainement taché de les amalgamer avec les Vouanguana. Ils s’y refusent obstinément, et le camp indigène est resté composé de groupes divers. Ces clubs de deux à dix hommes ayant appartenu au même maître, ou nés dans le même village, ou désirant conserver intact un lien de famille dont ils ont seuls le secret, font table commune, lit commun, et au besoin révolte commune. N’ayant pu réussir à les fondre l’un dans l’autre, j’écrivis quelques « billets d’émancipation, » et, réunissant les hommes du sultan, je fis un choix des meilleurs à qui je délivrai comme récompense ces précieux documents. Je leur annonçai ensuite que dorénavant leur paye et leurs gratifications seraient sur le même pied que celles des Vouanguana. J’ajoutai que les autres jouiraient du même bénéfice dès qu’ils l’auraient mérité par leur conduite ; d’un autre côté, venant à déserter, ils apprendraient que j’avais le bras assez long pour les faire arrêter et jeter en prison s’ils osaient se montrer sur la côte.

Vue des montagnes à l’ouest de Zungoméro, prise de Mbuga. — Dessin de A. de Bar.

11 octobre. Makutaniro. — C’est ici que le chemin sur lequel nous sommes rejoint la ligne de Mboamaji et celle de Konduchi qui traversent l’Ouzaramo central et par lesquels lors de la première expédition s’était accompli mon voyage de retour. Les mines à fleur de terre, creusées pour l’extraction de la gomme copal, cessent en cet endroit. Le palmier dum ne va pas plus loin ; les grands arbres au riche feuillage, qui décorent le plateau inférieur, sont remplacés par le mimosa ; la pente de la Kingani n’est plus aussi forte, et au lieu de côtoyer une berge escarpée, nous nous trouvons dans une espèce de parc en rase campagne, où les antilopes ont libre carrière, où on rencontre de temps en temps le zèbre et le buffle, et où les pintades abondent.

12 octobre. Matamombo. — 13 octobre. Dégé la Mhora. — À la sortie du parc que nous traversions naguère, nous nous sommes trouvés dans la portion la plus fertile de l’Ouzaramo. C’est ici qu’a péri un Français, M. Maizan, chef de la première expédition européenne qui se soit aventurée dans ces parages. J’ai obtenu de l’assassin lui-même, le sous-chef Hembé, les détails les plus confidentiels sur le meurtre dont il a été le principal agent.