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7 octobre. — Après avoir encore tué quelques faisans le matin, nous examinons et je dessine les murailles d’Ouloubad. Elles ont été construites par l’empereur Alexis Comnène pour défendre le cours du Rhyndacus et du Macestus. L’origine de Lupadium ne remonte pas plus haut ; c’était une forteresse autour de laquelle, au quatorzième siècle, bien des combats ont eu lieu ; elle tomba en 1330 au pouvoir du sultan Orkan.

Nous prenons à deux heures et demie congé du papas Spiridion, qui s’est montré plein d’attentions pour nous. Nous avons le regret de le laisser en proie à deux grands soucis : l’église du village, une belle église toute neuve, a été renversée de fond en comble par le tremblement de terre de 1856, il nous en a tristement montré les débris ; et son verger est occupé par une bande de Circassiens qui sans façon y ont planté leur tente. Après la soumission de Schamyl, beaucoup de Tcherkesses, voulant échapper au joug de la Russie, ont demandé un asile au sultan. On n’avait garde de les repousser, car c’était faire une bonne acquisition que de s’attacher ces hommes robustes et belliqueux ; d’ailleurs la Turquie offre à tous les exilés une généreuse hospitalité ; on leur assigna donc des cantonnements sur divers points de l’empire ; c’est ainsi qu’Ouloubad a connu ces beaux cavaliers auxquels leurs grands bonnets de fourrure donnent un air farouche. Nous les voyons caracoler, armés de lances, au pied de la citadelle des Comnène ; rien de mieux, pourvu qu’on les installe sur des terres dépendant du domaine public et non dans les jardins des pauvres rayas.

Nous laissons à notre droite la ville de Mouhalitch (Milétopolis) que nous apercevons à l’extrémité de la plaine, et les ruines de Cysique, situées à quelques heures au delà. Cysique a joué un grand rôle dans l’histoire ; elle a possédé de splendides monuments. Les commotions souterraines ont tout détruit et les colonnes de ses temples sont allées parer les mosquées de Constantinople. Cependant, si nous avions disposé de plus de temps, nous aurions voulu saluer les restes de ses murs de granit contre lesquels échouèrent les efforts de Mithridate.

Harmandjyk : Le konak du mudir (voy. p. 255).

Nous prenons notre direction vers l’est avec l’intention de remonter le cours du Rhyndacus jusqu’à sa source. En chemin, une troupe de paysans qui porte des provisions à la ville, demande à se joindre à nous pour éviter le sort de quelques-uns de leurs camarades pillés la veille en cet endroit. À cinq heures, nous sommes à Kirmasli-Kassaba, petite ville de quatre mille habitants, où nous traversons le Rhyndacus sur un pont de bois chancelant.

Au delà de ce pont s’ouvrent les portes d’un konak hospitalier. Le mudir est absent, mais les dames de son harem nous envoient un excellent dîner. La ville contient un certain nombre de Grecs ; les principaux d’entre eux viennent nous rendre visite et nous conduisent dans quelques maisons où se trouvent des fragments de bas reliefs antiques et des inscriptions dénuées d’intérêt.

Le 8, départ à six heures et demie. Rude journée. Nous voici revenus au pied de l’Olympe, dont le versant méridional se ramifie en une multitude de collines boisées, au milieu desquelles le Rhyndacus décrit mille circuits.

Gravir des pentes abruptes, descendre au fond d’étroites vallées, passer à gué des torrents, voilà l’emploi de notre temps. Nous voudrions aller coucher à Adrenas (Adriani) où se trouvent quelques ruines ; mais, après Kestlek, nos zaptiés s’égarent ; nous errons, le jour durant, à travers ce labyrinthe de monticules qu’ombragent heureusement de magnifiques futaies. Vers quatre heures, nous traversons le hameau de Karakeuï, habité par des bûcherons, nous y prenons un guide ; mais nous avons perdu la direction d’Adriani et nous