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la troupe incendiaire ne tarda point à passer outre et à se perdre au milieu des groupes d’arbres épars sur le penchant de la colline ; j’appris le matin que j’avais été simplement témoin des cérémonies qui accompagnent les enterrements des juifs.

Nous ne vîmes point le pacha gouverneur de l’eyalet de Chodavendkjar, il était absent ; mais, grâce aux bons offices du vice-consul de France, M. Séon, nous passâmes à Brousse quatre journées des plus agréables.

Brousse est la perle de l’Anatolie ; abritée au midi par les forêts et les rochers de l’Olympe qui fournit à ses fontaines le tribut d’eaux abondantes, elle domine une vallée d’une admirable fertilité ; en été, les brises de la mer et celles des montagnes viennent tempérer la chaleur ; une ceinture de rands arbres, cyprès, platanes, peupliers, châtaigniers, l’enveloppe, prolongeant ses ramifications à perte de vue parmi les bois de mûriers qui couvrent la vallée, et, dans l’intérieur même de la ville, à l’entour de chacune des mosquées ; celles-ci dirigent de toutes parts vers le ciel leurs coupoles et leurs minarets.

Mais cette riante surface cache un sol que les courants volcaniques peuvent ébranler à chaque instant.

Il y a huit ans à peine, Brousse a été secouée jusque dans ses fondements par une violente commotion ; de cruels désastres ont accablé ses habitants, et les monuments les plus intéressants sont tombés ou ont perdu leur aplomb.

Brousse : Mosquée et turbes du sultan Mourad (Voy. p. 246).

Aussi la population tend-elle à décroître ; les divers ouvrages qui en fournissent une évaluation, la portent à cinquante et même à cent mille âmes ; l’on m’a affirmé sur place qu’on ne pourrait pas en compter aujourd’hui plus de trente-cinq mille ; il faut chercher la vérité entre ces données extrêmes.

À la suite de cette catastrophe, Brousse a perdu un hôte illustre, Abd-el-Kader, qui, à l’exemple d’Annibal, l’avait choisie pour lieu de refuge. Il s’est retiré depuis à Damas où l’attendaient d’autres tempêtes.

D’effroyables incendies ont aussi ravagé à plusieurs reprises cette ville infortunée ; mais partout en Orient on semble familiarisé avec ce fléau ; il faut citer spécialement les incendies de 1490, de 1804, et celui qui éclata un an après notre passage, le 19 septembre 1863.

La Bithynie a compté plusieurs Prusias parmi ses rois ; les villes fondées par eux ont toutes porté le nom de Prusa ; Brousse était la Prusa ad Olympum.

Auquel des Prusias doit-on faire remonter son origine ? Si l’on en croit Strabon, c’est à un contemporain de Crésus ; Pline, au contraire, et l’on peut s’en rapporter à lui, désigne le prince qui accueillit Annibal, et veut que ce grand capitaine ait marqué lui-même l’emplacement de la nouvelle cité. Quoi qu’il en soit, Prusa ne fait aucune figure dans l’histoire avant le moyen âge. Pline, cependant, suivant la politique adoptée par les Romains,