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fique. C’est un cirque de vingt à vingt-cinq lieues d’étendue, entouré de grands rochers s’échelonnant en gradins d’une beauté de forme et de couleur incomparables. L’arène de cet amphithéâtre est une immense nappe de basalte noir, sillonnée çà et là de longs torrents de sable jaune. Un soleil éblouissant éclaire ce vaste paysage d’une beauté inouïe.

Nous nous éloignons de ce spectacle avec effort, et nous montons par la droite une grande Ramleh.

Vers le soir, nous campons à l’entrée de Wadi-Homr. Le soleil, qui en ce moment se couche dans la mer Rouge, colore le Djébel-el-Tih des teintes les plus tendres. La journée a été complète comme beauté ; seulement nous sommes fatigués ; nous avons cheminé pendant dix heures.

7 mars. — Nous ne reverrons plus de si beaux sites, car nous approchons des Wadis que nous avons déjà traversés en venant. À la jonction des trois wadis Taÿbéh, Chebekéh et Homr, où nous déjeunons, nous commençons à rentrer dans notre premier chemin, mais nous nous rappelons la journée d’hier, et ce souvenir nous fait supporter bien des ennuis.

Nous rentrons dans Wadi-Garandel où nous campons. Nos Bédouins creusent un peu le sable pour faire boire leurs chameaux : l’eau vient immédiatement.

Jeune chamelier de la presqu’île du Sinaï. — Dessin de H. Pottin d’après Bida.

8, 9, 10 mars. — Revenus à Suez par la route déjà suivie, c’est-à-dire par Wadi-Sadr et Aïn-Mouça, nous quittons nos chameaux avec un sentiment de satisfaction inexprimable. Nous sommes arrivés à temps pour éviter le kamsin qui souffle ; s’il nous avait surpris dans les sables, nous aurions eu beaucoup à souffrir : nous étions déjà assez brûlés par le vent et le soleil du désert.

Il nous est impossible de jeter sans regret un dernier regard vers ces solitudes que nous ne reverrons plus et qui laisseront dans nos âmes une impression ineffaçable. Nous avons suivi, pour ainsi dire pas à pas, les Hébreux dans leur fuite jusqu’à la montagne sainte. Ces souvenirs bibliques joints à la majesté du paysage donnent à l’excursion au Sinaï une unité et une grandeur d’intérêt qu’on ne trouve pas toujours dans de plus longs voyages.

B. et G. H.