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Nous traversions en ce moment, sans que nos compagnons parussent s’en douter, la zone climatologique que les botanistes assignent pour demeure aux diverses espèces de quinquinas. C’était le cas de reconnaître, avec ces messieurs, l’infaillibilité du système des lignes isothermes et d’admirer avec quel ordre méthodique la nature a placé tels et tels végétaux dans telles et telles régions, régions d’ailleurs si nettement délimitées, qu’un herboriste, simple vendeur de bourrache et de camomille, ne pourrait s’y tromper.

Malheureusement ma bile agitée et mes nerfs agacés par les rivalités mesquines de nos compagnons, la perfidie et la désertion de nos hommes, me rendaient pour le moment peu tendre aux sollicitations des théories et surtout peu disposé à admirer quoi que ce fût. J’éprouvais au contraire un besoin de trouver de nouvelles taches dans le soleil et comme une démangeaison de dire son fait à quelqu’un ou à quelque chose. Donc, au lieu d’apporter au système de la distribution climatologique des plantes mon tribut d’observations personnelles et d’aperçus nouveaux, je m’avisai de remarquer, tant mon humeur était aigre et maussade, que la plupart des chiffres pris comme base d’altitude par certain traité de géographie — « entièrement refondu et mis au courant de la science » — étaient singulièrement arbitraires quand ils n’étaient pas erronés.

Tunki peruvianus.

Ainsi la végétation des quinze ou vingt variétés de chênes qu’offrent les parties chaudes de cette Amérique du Sud, au lieu de ne commencer qu’au-dessus de dix-sept cents mètres d’élévation, comme l’assure le traité de géographie en question, se maintient constamment au-dessous. Ces arbres, de troisième et de quatrième hau-