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inextricable de ruelles et de masures basses à un seul étage avec des toits en torchis et des tuiles rougeâtres. On aperçoit seulement la grande avenue du Centre qui forme une profonde ligne de démarcation, coupant la ville en deux. D’ici on distingue bien la foule compacte et affairée qui se presse dans cette grande artère ; c’est la ville des marchands, des revendeurs, de la populace, des mendiants.

Au loin, le regard s’arrête sur la masse sombre d’une forêt d’où ressortent les coupoles bleues de deux immenses rotondes : ce sont les temples célèbres du Ciel et de l’Agriculture avec leurs parcs renfermés dans une enceinte réservée.

Enfin, du côté de la campagne, au-dessus des misérables faubourgs qui entourent Pékin, nous n’apercevons qu’une grande plaine couverte de luxuriantes cultures, mais où il n’y a pas un bosquet, pas un grand arbre même. Dans le nord de la Chine, par un singulier contraste avec nos habitudes européennes, il n’y a de planté que les villes : celles-ci, de loin, ressemblent à de grands bois ; les campagnes, au contraire, sont trop bien cultivées pour qu’on y souffre des arbres, ces végétaux parasites qui mangent le suc nourricier de la terre réservée aux céréales.

Pékin : Péristyle de la légation anglaise. Dessin de Thérond d’après une photographie.

</noninclude> À l’horizon, au delà de la plaine, se dessinent des ombres bleuâtres : ce sont les montagnes de Yuan-min-Yuen, le palais d’Été. Sous nos pieds s’étend ce prodigieux entassement de fortifications qui déroute toutes les idées qu’on peut avoir sur l’art de défendre les places fortes, et qui rappelle avec une forme étrange les gigantesques constructions du moyen âge.

Le talus, par lequel nous sommes montés sur les remparts, a une pente assez douce pour en permettre l’ascension à des cavaliers. Il y a quarante-quatre de ces talus, un à chaque angle des murailles, et deux à chaque porte.

On compte neuf portes dans la ville mantchoue, et sept dans la ville chinoise : chacune de ces portes forme une redoutable forteresse. Les abords en sont défendus à l’extérieur par des espèces de demi-lunes rectangulaires percées sur une de leurs faces de voûte de six mètres, qui communiquent par une chaussée pavée de grandes dalles à d’autres voûtes traversant l’épaisseur des murailles ; ces voûtes sont fermées chacune par des portes en bois garnies de gros clous en fer.

Quand le couvre-feu a sonné, personne ne peut plus entrer ni sortir de la ville ; cependant, soyez certain que le chef de la porte, autrement dit le portier, ce prétorien mandchoux à longues moustaches et à bonnet à queue de renard sera toujours prêt, moyennant une rétribution convenable, à violer la consigne et à ouvrir les longues et sombres voûtes dont il tient les clefs. Sur chaque porte, s’élèvent deux pavillons : celui qui regarde la ville a deux étages ; il sert de magasin et de caserne ; celui qui regarde