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ce sujet qui appartiendrait plutôt à une histoire des missions catholiques qu’à une relation de voyage.

Qu’il nous suffise seulement de dire que le 13 mai 1862, cinq jours avant le départ de M. et de Mme de Bourboulon qui retournaient en Europe par la Mongolie et la Sibérie, une députation des chrétiens chinois de toutes les provinces vint présenter au ministre de France une adresse témoignant de la plus profonde gratitude.


PROMENADE DANS PÉKIN.

La ville mongole. — Plan et topographie de Pékin. — Magnifique panorama. — Remparts, portes, fortifications et fossés de la ville.

Avant de visiter les monuments de Pékin, avant de se promener dans ses rues populeuses, avant d’admirer ses points de vue pittoresques et ses perspectives grandioses, il est de toute nécessité que le lecteur ait une idée exacte de la topographie de cette grande ville[1].

Pékin est situé par 114° 7’de longitude, et 39° 54’ de latitude dans une grande plaine qui s’étend jusqu’au golfe de Pe-tche-li, à soixante-dix kilomètres à l’est.

Cette ville est à peu près à égale distance de deux cours d’eau, le Peï-ho et le Wen-ho, qui vont se réunir à quelques kilomètres au nord de Tien-Tsin.

Les lacs et les fossés de Pékin sont alimentés par un canal qui vient des étangs de Iuen-min-yuen, le palais d’Été, et qui traverse la face nord de l’enceinte de la ville mandchoue, sous une voûte fermée par une grille en bois qu’on découvre au loin de la campagne ; un autre canal qui sort de la ville chinoise près de la porte de Tong-Pien relie Pékin au Peï-ho, et par suite à Tien-Tsin, et au grand canal impérial qui y amène les marchandises du centre, et même du sud de la Chine. C’est ce canal qui passe à Pa-li-kiao.

Le sol, sur lequel est bâti Pékin, est sablonneux ; à quatre mètres de profondeur se trouve une couche argileuse qui semble appartenir à une formation récente. Les environs sont bien cultivés en légumes, sorghos et blés ; de nombreux chemins creux, couverts de taillis ombrageant des cimetières, sillonnent la campagne environnante. De chaque porte partent en ligne droite des voies de quatre-vingts mètres de largeur, qui se prolongent jusqu’à cinq kilomètres de la ville ; là elles sont remplacées par des routes mal entretenues. Une chaussée dallée dans un état de dégradation complet commence à la porte de Tchi-Houa, et relie Tong-Cheou à Pékin ; une autre chaussée partant de la porte de Si-tche conduit à Yuen-min-yuen.

Douze faubourgs entourent la capitale, mais ils ne sont pas bien considérables ; on y voit un grand nombre de briqueteries et des établissements de maraîchers et de fleuristes. D’après le dernier recensement ordonné par l’empereur Hien-Foung, en 1852, la population de Pékin serait d’environ deux millions d’habitants, chiffre qui ne paraît pas exagéré aux Européens qui ont habité la ville.

Le mot Pe-King signifie cour du nord, en opposition à Nan-King qui veut dire cour du midi.

C’était à Nankin que le souverain faisait autrefois sa résidence, mais les continuelles incursions des Tartares obligèrent, en 1403, l’empereur Ioung-lo à transporter sa cour dans les provinces septentrionales, pour être plus à portée de s’opposer aux envahissements des nomades ; il substitua alors au nom de Chien-tien-fou, que portait sa nouvelle capitale, celui de Pékin qu’elle a gardé depuis. Pékin est resté dès lors, malgré les changements de dynastie, la capitale de l’Empire chinois. Son pourtour est de trente-trois kilomètres de tour, et sa superficie de six mille hectares. Elle est composée de deux villes différentes, entourées chacune de remparts et de fossés, et qui ne sont reliées l’une à l’autre que par trois portes fortifiées : la ville mongole (Nei-tchen) ou la ville officielle et militaire au nord, et la ville chinoise (Ouei-tchen) ou la ville marchande au sud.

La ville mongole a la forme d’un rectangle, dont les faces sont dirigées vers les quatre points cardinaux, et dont l’angle nord-ouest est abattu ; neuf portes y donnent accès, savoir :

Au nord, Ngan-ting-men[2], la porte de la Paix, qui est celle par où les alliés entrèrent à Pékin. Toa-chang-men, la porte de la Victoire ;

À l’ouest, Si-tche-men, la porte de l’Ouest. Pin-tse-men, la porte de la Soumission ;

À l’est, Tong-tche-men, la porte de l’Est. Tchi-koua-men, la porte du Peuple ;

Au sud, Tien-men, la porte de l’Aurore. Hai-tai-men, Tchouen-tche-men (ces deux dernières ont reçu les noms de deux empereurs).

Chacune des trois portes du sud de la ville mandchoue communiquent avec la ville chinoise par une demi-lune fortifiée. De toutes ces portes sortent des boulevards de trente mètres de largeur qui sont presque tous dirigés vers un des quatre points cardinaux et divisent la ville en grands carrés. Ceux-ci sont partagés à leur tour par des rues parallèles de dix mètres de largeur en carrés plus petits, reliés par une foule de ruelles étroites orientées de toutes les façons.

Les boulevards sont formés d’une chaussée pierrée élevée au-dessus des accotements ; les autres rues sont en terre. Les maisons qui bordent les premiers ont un aspect misérable ; elles n’ont pas d’étages, sauf quelques-unes qui possèdent un entre-sol servant de magasin. Quelques boutiques sont richement décorées en bois sculpté ; on y rencontre cependant des établissements impériaux et des temples reconnaissables à leurs toits jaunes ou verts ; les palais, les Fou et les hôtels des mandarins ont tous leur entrée dans des ruelles, et les grands arbres de leurs parcs en font seuls soupçonner le voisinage.

Au centre de la ville mandchoue est une enceinte formée par un mur de clôture percé de quatre portes fortifiées ; c’est la ville Jaune ou Houang-tchen, dont la superficie est d’environ 668 hectares. Elle contient beaucoup

  1. Nous devons ces renseignements à M. le capitaine Bouvier, qui a bien voulu nous confier le résumé de ses travaux topographiques pendant son séjour à Pékin.
  2. Men, en chinois, veut dire porte.