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se fait une loi de ne point boire d’eau-de-vie dans les mines. Ses plaisirs mêmes ont quelque chose de retenu et de décent.

« Entre un passé et un avenir tout semblables, également tristes et pénibles, il se réfugie dans la contemplation ; il aime les fumées énervantes du tabac, les émotions vagues que procure la musique. Les sociétés chorales sont en honneur dans le Harz comme dans tout le reste de l’Allemagne, et pendant la belle saison des musiciens viennent donner des concerts devant les portes de Clausthal et de Zellerfeld. »

Je fus un matin réveillé par une de ces petites troupes ambulantes. J’ignore quels étaient les airs qui parvenaient à mon oreille à travers le voile d’un demi-sommeil, mais je sais qu’ils avaient une douceur, une simplicité, une étrangeté particulière. Ces artistes forains gardaient sans doute pour les joyeux villages de la plaine les valses au rhythme entraînant ; leur musique aux formes vieillies était empreinte d’une mélancolie pénétrante, qui semblait s’inspirer de ce ciel froid, encore à demi assombri par les brumes matinales.

Malgré la grande fatigue que les voyages souterrains m’avaient causée, je traversai la magnifique vallée de l’Ocker pour me rendre à Goslar où j’arrivai dans la soirée ; la patache qui m’y avait mené s’arrêta devant l’hôtel où j’étais descendu deux jours auparavant ; mon intention n’était pas d’y retourner ; mais je me soumis au hasard qui m’y avait conduit.

Le Rammelsberg (voy. p. 58 et 76).

Le lendemain, je pris la voiture de la poste pour Vienenbourg, et de là le chemin de fer de Wolfenbuttel à Brunswick. Cette charmante ville termine parfaitement un voyage dans le Hart ; on s’y repose volontiers. Le Musée est très-beau et renferme des toiles remarquables ; on y admire surtout un tableau qui passe pour un Rembrandt et qui doit représenter sa famille ; c’est un chef-d’œuvre, mais je doute qu’il soit de ce maître. Lucas Granach, Jan Steen, Pieter Miereveld, Raphon, Ruysdael et Everdingen y sont parfaitement représentés.

La place du Marché est riche en monuments. Les promenades autour de la ville sont des plus agréables. Le soir, on peut aller au théâtre, où l’opéra est parfaitement joué. La pièce commence à six heures et se termine à huit. Au sortir du spectacle, on va souper dans les restaurants qui se trouvent en face du théâtre ou le long de la promenade principale. La musique militaire ducale donne toutes les semaines un concert dans un beau jardin qui se trouve à une petite distance de la ville.

Brunswick est une de ces bonnes villes d’où l’on ne s’éloigne jamais sans se bien promettre d’y revenir.

Stroobant.