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La pluie cessait par moments ; mais l’orage était continu et faisait le bruit d’un chariot roulant sur la grand’route. De temps en temps survenaient quelques éclaircies et nous en profitâmes pour passer sur l’Ilsenstein.

Un guide dans le Harz.

L’Ilsenstein est un immense rocher dressé à pic, d’une hauteur d’environ deux mille cinq cents pieds ; au bas de ce bloc colossal de granit serpente avec mille détours la rivière l’Isle dont parle Henri Heine : « On ne saurait décrire l’enjouement, la naïveté, la grâce avec lesquels l’Ilsle descend follement sur les groupes bizarres de roches qu’elle rencontre dans son cours. L’eau siffle sauvagement ici, ou se roule en écumant, jaillit plus loin en arcs purs par une foule de crevasses, comme par les yeux d’un arrosoir, et plus bas court, en sautillant, sur les petites pierres comme une jeune fille pimpante. Oui, la tradition a raison, l’Isle est une princesse qui descend avec le rire et la fraîcheur de la jeunesse les pentes de la montagne. Comme sa blanche robe d’écume éclate au soleil ! comme les rubans argentés de son sein voltigent au gré du vent ! comme ses diamants étincellent ! Les grands hêtres sont debout près d’elle comme des pères sérieux qui sourient intérieurement aux espiègleries de l’aimable enfant ; les bouleaux blanchâtres se balancent avec la satisfaction de bonnes tantes qui redoutent pourtant les sauts périlleux ; le chêne orgueilleux regarde tous ces jeux comme un oncle chagrin qui doit payer les frais de la partie de campagne, les petits oiseaux de l’air applaudissent en chants joyeux, et les fleurs du rivage murmurent tendrement : « Oh ! emmène-nous, emmène-nous avec toi, bonne petite Sœur !… » Mais la folâtre jeune fille s’éloigne en sautant sans relâche. »

Nous descendîmes rapidement dans la vallée vers un sentier escarpé qui devait abréger la route et nous