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dont je viens de tracer l’esquisse, l’État, outre qu’il retire toujours de l’ensemble des mines des sommes considérables, maintient en quelque façon la balance entre les actionnaires, et entretient la vie et l’activité dans la contrée.

Quant à l’Unterharz, il présente quelque chose de particulier : une portion appartient au Hanovre, l’autre au Brunswick ; mais les mines et les usines appartiennent à la fois aux deux États.

À la suite de divers arrangements entre héritiers, les deux maisons de Brunswick Lüneburg et de Brunswick Wolfenbüttel, réunissant les domaines, l’une de quatre princes, l’autre de trois, entre lesquels s’était fait la première division en parties égales du Harz tout entier, se partagèrent les villes et mines de Zellerfeld, Grund, Wildemann et Lautenthal, le Rammelsberg, la forge de Gittelde et la saline de Julius Hall près de Harzburg ; la première branche devait posséder les quatre septièmes et la seconde les trois septièmes de ces établissements qui furent nommés mines en communauté (1649).

En 1788, la communauté fut, dans le but de rendre l’administration plus facile, réduite à quelques établissements : tous ceux de l’Oberharz relevèrent du Hanovre ; la mine du Rammelsberg, les usines de Goslar et d’Ocker, la forge de Gittelde formèrent ce qu’on appela le Communion-Unterharz.

L’administration du Communion-Unterharz est encore aujourd’hui conduite en commun par des représentants des deux États réunis en conseil, tantôt à Goslar (Hanovre), tantôt à Wolfenbüttel (Brunswick). Les produits, les dépenses, la fourniture des bois sont partagés entre les deux États dans les rapports de quatre septièmes et trois septièmes. La présidence du conseil appartient pendant les années paires au Hanovre, pendant les années impaires au Brunswick, et le jugement des affaires est attribué à la cour de justice de l’un ou de l’autre des États, selon l’année où elles ont pris naissance.

Adolphe Carnot.


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II

PROMENADES DANS LE HARZ,

PAR M. STROOBANT[1].
1862. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.



Aspect général du pays. — Caractère et mœurs des habitants. — Les gardiens des champs. — Rivières.

Heine dit que le Broken est essentiellement germanique, en bien comme en mal, en beau comme en laid. Cela est parfaitement exact, et il en est de même des autres parties du Harz. Le pays est d’un grand aspect et d’un pittoresque fantastique ; les brouillards qui s’y promènent pendant une grande partie de l’année donnent aux montagnes un caractère et une couleur exceptionnels. Le paysan subit cette influence ; il semble marqué au front d’une teinte sombre qui donne à sa physionomie un air de crainte et de tristesse ; ses gestes sont brusques, et si l’on tient à obtenir de lui le moindre renseignement, il faut lui adresser la parole dans sa langue même, prononcée correctement, car s’il s’aperçoit que vous êtes étranger, il vous tourne le dos en murmurant des paroles inintelligibles. Il nous est arrivé, pendant notre excursion dans ce pays, de rester toute une semaine assis aux heures de repas avec les mêmes convives et d’en trouver à peine deux qui fussent disposés à répondre à nos questions sur les mœurs et les usages du Harz ; les autres évitaient toute espèce de conversation. Notre voisin de face notamment paraissait éviter même de nous regarder et se renfermait dans un flegme absolu. Sa physionomie nous est restée dans la mémoire, parce que nous avons eu l’occasion de la rencontrer souvent ailleurs ; les traits du visage différaient quelquefois, mais les lunettes aux branches d’or traditionnelles ne manquaient jamais d’être posées carrément sur le nez de ce méfiant personnage.

C’est à pied et le sac sur le dos qu’il faut visiter le Harz, si l’on veut parcourir les localités les moins fréquentées et les plus sauvages, qui sont ordinairement les plus intéressantes pour l’artiste.

Un guide est précieux à cause des bons offices qu’il rend pendant et après une longue journée de marche. Généralement les guides sont honnêtes et sobres ; le pain et la bière leur suffisent. Du reste, la nourriture ne coûte pas cher et le travail est peu rétribué. En traversant une immense plaine couverte de belles moissons, nous aperçûmes plusieurs jeunes garçons montés sur des échasses et produisant au moyen d’une espèce de crécelle un bruit étourdissant, destiné à mettre en fuite quelques rares moineaux qui venaient becqueter les épis penchés dans les sillons du chemin. Ces jeunes et robustes gardiens qui passaient toute la journée dans les champs mangeaient assurément à un seul repas, sous forme de pain, plus de grain que les oiseaux n’en eussent enlevé en toute une semaine. L’inaction de ces bras vigoureux témoigne du peu de valeur du travail matériel des hommes.

  1. Voy. page 49 et la note 2.